Rododandhrumh

Roman ( Mieux connu al la renaissance-Montunne de cascabelle-fut un type de description ecevedo pour decrire les attittudes enver la nature delirante, exemple, La Gallatea)

Le roman est un genre littéraire caractérisé essentiellement par une narration fictionnelle et dont la première apparition peut être datée du xiie siècle. Initialement écrit en vers qui jouent sur les assonances, il est écrit en prose dès le xiie siècle et se distingue du conte ou de l'épopée par sa vocation à être lu individuellement et non écouté.

Dynamique au xviiie siècle, le roman devient le genre littéraire dominant à partir du xixe siècle et présente aujourd'hui un grand nombre de sous-genres.

Le texte romanesque est un récit de taille très variable mais assez long, aujourd'hui en prose, qui a pour objet la relation de situations et de faits présentés comme relevant de l'invention, même si l'auteur recherche souvent un effet de réel, ce qui le distingue à la fois du simple récit-transcription (biographie, autobiographie, témoignage...) mais aussi du conte, qui relève du merveilleux.

La place importante faite à l'imagination transparaît quand l'adjectif « romanesque » qui renvoie à l'extraordinaire des personnages, des situations ou de l'intrigue. Le ressort fondamental du roman est alors la curiosité du lecteur pour les personnages et pour les péripéties, à quoi s'ajoutera par la suite l'intérêt pour un art d'écrire.

La diversité des tonalités littéraires présentes dans les romans est immense. Le roman, qui appartient au genre narratif, présente une grande diversité en matière de schéma narratif (l'enchaînement plus ou moins complexe des événements), de schéma actantiel (les différents rôles présents dans le récit), du statut du narrateur (distinct ou non de l'auteur), des points de vue narratifs ou encore de la structure chronologique. Genre polymorphe, le roman exploite aussi bien les différents discours (direct, indirect, indirect libre), la description (cadre spatio-temporel - portraits) que le récit proprement dit (péripéties), le commentaire ou l'expression poétique.

Le romancier Milan Kundera explique le succès du roman par ses « vertus cardinales » comme « la multiplicité des points de vue qui, seule, peut faire écho à la complexité du réel et aiguiser la compréhension des actions humaines ; l'art de la composition, qui permet d'entrelacer à la narration les thèmes existentiels qui animent les personnages, sans oublier les "ego expérimentaux" que sont ces derniers et qui permettent au romancier d'examiner d'autant mieux l'existence qu'il occulte sa propre biographie »1.

Depuis son apparition, le genre romanesque a connu de nombreuses évolutions formelles voire des remises en question radicales, notamment en ce qui concerne la psychologie des personnages (avec le behaviourisme), la notion même de personnage par le Nouveau Roman, l'unité de la narration (multiplication « chorale » des narrateurs, perturbation de la chronologie...), la séparation auteur/narrateur (avec l'autofiction), etc. Il a aussi été régulièrement attaqué jusqu'au xxe siècle pour sa vanité ou son immoralité.

Le roman ne s'en est pas moins progressivement imposé depuis le xviiie siècle comme le genre dominant dans la littérature occidentale en parallèle du développement de la notion d'individu et d'une réflexion non religieuse sur le sens de la vie et de l'Histoire, soutenu par la généralisation de l'apprentissage de la lecture par l'école et la diffusion imprimée. Le roman a ainsi supplanté le conte et l'épopée qui ont marqué davantage les traditions d'autres civilisations (persane notamment). Il existe toutefois au moins deux traditions romanesques non-européennes dont les caractéristiques présentent de fortes similitudes : le roman chinois et le roman japonais traditionnel.

« Roman » est un terme qui sert originellement à désigner une langue utilisée au Moyen Âge, la langue romane (de romanus (latin) signifiant « romain »), issue de la langue utilisée dans le Nord de la France, la langue d'oïl. Cette langue, née de l'évolution progressive du latin, supplante ce dernier dans le nord de la France.

Au Moyen Âge, l'usage du latin se cantonne aux textes écrits tandis que les communications orales se font en langue romane. Le latin n'étant connu que d'une minorité de la population, constituée essentiellement de religieux et de lettrés, il est alors nécessaire de transcrire ou d'écrire directement en langue romane certains textes afin de les rendre accessibles à un public plus large. Le terme « roman » est donc appliqué à tous les textes écrits en langue romane, qu'ils soient en prose ou en vers, et narratifs ou non, en opposition notamment aux textes officiels et sacrés. L'expression « mettre en roman », apparue vers 1150, signifie donc « traduire en langue vulgaire »2.

Pour désigner les textes qui appartiennent au genre narratif, les termes estoire (qui a donné le mot « histoire ») et conte sont le plus souvent utilisés. Ainsi, Chrétien de Troyes écrit-il : « ore commencerai estoire ». Toutefois, le roman est vite utilisé par la littérature narrative et le terme se met à désigner progressivement un genre littéraire à part entière. Ainsi, dans Lancelot ou le Chevalier de la charrette, Chrétien de Troyes écrit-il : « puisque ma dame de Champagne veut que j'entreprenne un roman, je l'entreprendrai très volontiers ». Le terme commence alors à se rapprocher de son sens moderne, celui de récit fictif à épisodes centré autour d'un ou de plusieurs personnages.

Le roman a tout d'abord été le récit d'une aventure fantastique, comprenant un personnage idéal vivant une aventure idyllique elle-même.

Les origines premières du roman peuvent remonter aux genres littéraires pratiqués dès l'Antiquité3, comme l'épopée (l'Iliade, l'Odyssée d'Homère, l'Énéide de Virgile), les ouvrages historiques (d'Hérodote et de Thucydide), la tragédie et la comédie nouvelle (Ménandre, Térence) et même la poésie pastorale. C'est en puisant allègrement dans l'ensemble de ces genres qu'apparaît le roman grec, qui se constitue vers le ier siècle av. J.-C. en un genre autonome, comportant déjà l'aspect composite qui le caractérise au cours des siècles suivants. C'est la première fois que sont rédigés, en prose, des ouvrages destinés à divertir leur public et développant une intrigue, sinon entièrement vraisemblable, du moins cohérente et plus réaliste que les personnages caricaturaux de la comédie ancienne ou du drame satyrique et que les protagonistes animaux de la fable. Le roman grec se caractérise par la place centrale accordée aux intrigues amoureuses et l'abondance des péripéties (enlèvements, pirates, fausses morts, batailles, scènes de reconnaissance...).

Les romans de Chariton, d'Achille Tatius ou d'Héliodore d'Émèse sont les principaux représentants du genre à nous être parvenus. Certains romans grecs se rapprochent davantage de genres particuliers : Daphnis et Chloé de Longus est fortement influencé par la poésie bucolique grecque (Théocrite) et romaine (Virgile), tandis que les ouvrages de Lucien de Samosate, courts et humoristiques pour la plupart, empruntent davantage aux dialogues philosophiques et aux ouvrages d'histoire. L'un de ses ouvrages les plus connus, l'Histoire véritable, parodie les ouvrages d'histoire évoquant des peuples exotiques et les récits de voyages invraisemblables en multipliant les péripéties fantaisistes. Ces histoires ne sont pas encore qualifiées de « romans », mais tantôt d'histoires amoureuses, tantôt de drames, tantôt encore en employant le terme plasma (mot grec approchant notre concept moderne de fiction). Les commentateurs des premiers siècles apr. J.-C. caractérisaient ces histoires comme fictives mais vraisemblables, ce qui les plaçait à mi-chemin entre les histoires mythologiques, fictives et invraisemblables, et les ouvrages historiques, dépeignant des événements réels[réf. nécessaire].

À l'époque romaine sont rédigés des romans antiques en langue latine, comme les Métamorphoses attribuées à Apulée ou le Satyricon attribué à Pétrone.

  • Liste de romans de l'antiquité gréco-romane (de)

La Chanson de Roland.

Jusqu'au xiie siècle, les chansons de geste et la poésie lyrique dominent le paysage littéraire et narratif, mais progressivement, un genre nouveau fait son apparition : le roman. Bien que novateur et original, il puise pourtant de nombreux motifs dans les genres littéraires qui l'ont précédé. Il est novateur car il mêle les exploits guerriers de la chanson de geste, la vision amoureuse de la poésie lyrique et puise dans les légendes celtiques.

La rupture littéraire amorcée par l'apparition du nouveau genre de la poésie lyrique ne doit pas pour autant masquer une large continuité dans les thèmes et les motifs évoqués par le roman. Il hérite en premier lieu des personnages stylisés de la poésie lyrique : la dame y est une femme mariée de condition supérieure à celle de son prétendant ; l'homme vassal est obéissant à la dame, il est timide et emprunté devant elle et le losengiers est un personnage fourbe, un traître en puissance. Il reprend également le thème de la fine amor, cet amour secret, sacré dans lequel la femme est divinisée, sacralisée. Il hérite aussi de la Reverdie. La Reverdie est un retour cyclique au printemps qui entraîne la contemplation de la dame par l'amant ainsi que son portrait élogieux fait d'association entre la beauté de la nature et celle de la femme. La sonorité est également une partie intégrante de la poésie lyrique, car la poésie ne peut se faire sans rimes et le lyrisme ne peut se séparer des sonorités, du rythme.

Cependant, le romancier ne reprend pas ces thèmes à l'identique, très souvent il les réactualise, les modifie et les dramatise. Mais surtout, il substitue une nouvelle figure à celle du poète amoureux. Le modus operandi de la séduction évolue : la femme ne se séduit plus par des paroles et des chansons mais par des actions. Le personnage du poète est remplacé par le chevalier hérité des chansons de geste.

Le héros de la chanson de geste tient ses traits du héros épique. Il est vaillant, brave, il sait manier les armes, il allie la franchise à la loyauté et à la générosité. Par-dessus tout, il sait préserver son honneur. Parmi les nombreux motifs hérités de la chanson de geste, notons celui de la description des armes du chevalier, de ses acolytes ou de ses ennemis, celui des combats et des batailles qui s'ensuivent ou bien encore ceux des embuscades, poursuites et autres pièges qui jalonnent le chemin du héros. On trouve également les scènes d'ambassade chères à la chanson de geste, les scènes de conseil entre un seigneur et ses barons ou encore le regret funèbre (lamentations sur un héros, un compagnon perdu) et la prière du plus grand péril.

Cependant, le roman s'éloigne sur plusieurs points de la chanson de geste :

Lancelot du Lac, xve siècle.

  • par sa forme tout d'abord : la chanson de geste est une suite de laisses assonancées psalmodiées par des jongleurs accompagnés de vielle. Le roman est bien écrit en vers mais ceux-ci sont organisés en couplets d'octosyllabes à rimes plates ;
  • par l'auditoire ensuite : la chanson de geste est écoutée par des hommes installés dans la grande pièce du château alors que le roman est écouté dans la chambre des dames par des personnes plus raffinées et plus cultivées ;
  • par la restriction de l'espace de la diégèse : on passe des immenses champs de bataille à des vergers ou à des champs, voire à de petites pièces ou des locus amoenus (lieu intime et paradisiaque où règne la dame).
  • par les personnages : la chanson de geste met en scène les exploits guerriers d'un groupe, d'une armée face à une autre, chaque armée ayant plusieurs héros dans leurs rangs. Dans le roman, au contraire, les exploits sont réalisés par un personnage seul.

Les thèmes et les motifs pouvant être rencontrés dans le roman ne naissent donc pas ex nihilo. Le nouveau genre s'inspire largement de ceux qui l'ont précédé tout en procédant à de larges modifications et innovations.

Au-delà des thèmes et des motifs exploités, les sujets traités par le roman se caractérisent par leur originalité et leur diversité. Il est toutefois possible de les rassembler en trois grands sujets (dits matières) :

  1. la matière de Rome, ou antique a inspiré le Roman de Thèbes, le Roman d'Énéas, le Roman de Troie et le Roman d'Alexandre ;
  2. la matière de France, récits de guerres et de prouesses militaires des Francs ;
  3. la matière de Bretagne, la plus féconde, a inspiré tous les romans dits « arthuriens ».

La matière de Bretagne se développe à la cour d'Henri II Plantagenêt et de sa femme Aliénor d'Aquitaine ainsi qu'à la cour de la fille d'Aliénor, Marie de France, en Champagne. La matière de Bretagne est imprégnée des traditions et des légendes celtiques transmises oralement par les conteurs bretons et gallois. Bien que de nombreuses imprécisions demeurent sur son existence, Chrétien de Troyes apparaît comme l'auteur le plus représentatif et le plus innovant de cette matière de Bretagne. Son écriture se caractérise notamment par une attention particulière portée aux effets de structure (miroirs, parallèles, échos divers, correspondances entre des personnages ou des épisodes, etc.). Il innove également par le tour qu'il donne aux aventures de ses héros. Il les orne d'évènements imprévus et surprenants qui apparaissent souvent comme les signes du destin du chevalier. De plus, il lie étroitement ces aventures à la notion de quête. Celle-ci peut avoir pour objet un personnage disparu, un amour, une identité, une gloire ou une fin spirituelle. Ces quêtes prennent place dans un univers romanesque qui allie des éléments surnaturels et merveilleux à des effets de réel.

Le Roman de la Rose, miniature du Maître du Roman de la Rose de Vienne tirée d'un manuscrit des années 1430, ÖNB, Cod.2568.

Avant le xiiie siècle, à l'exception des textes juridiques, peu de textes étaient écrits en prose. Mais à la fin du xiie siècle et au début du xiiie siècle, la prose prend de plus en plus d'importance dans les textes narratifs. Deux raisons peuvent expliquer cette tendance. D'une part, la prose augmente probablement la crédibilité des aventures racontées, par assimilation à la fiabilité des textes juridiques. D'autre part, le passage à la prose marque également un changement dans la manière de lire : la lecture collective et orale est remplacée par la lecture individuelle. La découverte du papier et le développement de l'écrit de manière générale favorisent cette évolution. Et de ce fait, la versification en tant qu'artifice mnémotechnique est de moins en moins nécessaire. Ces romans en prose s'inspirent du modèle de la passion du Christ et se rapportent massivement au mythe du Graal ou du Saint Calice, comme le Lancelot en prose.

Ces romans apparaissent conjointement au développement de la bourgeoisie et d'un esprit progressivement plus matérialiste. La redécouverte des textes d'Aristote accompagne ce renforcement du rationalisme au détriment d'une part de spiritualité et de merveilleux. Les deux Roman de la rose, celui de Guillaume de Lorris et plus encore celui de Jean Renart, comme Jehan et Blonde illustrent cette nouvelle orientation du genre. Les auteurs de ces romans choisissent de rester dans les limites du vraisemblable et rejettent le merveilleux arthurien. La géographie des lieux devient de plus en plus familière aux lecteurs, les personnages fictifs y rencontrent des personnages historiques (réels) et les héros choisis sont de plus en plus issus de milieux modestes et sont de moins en moins légendaires. Cependant, ce genre est marqué par un fort paradoxe : alors que la prose semble être la forme la plus adaptée à transcrire le réel avec crédibilité et que la majorité des romans sont désormais écrits en prose, ces romans réalistes continuent à être écrits en vers (couplets octosyllabiques). Conséquence ou non de ce paradoxe, ils disparaîtront progressivement devant le succès croissant des romans en prose.

À la Renaissance, avant qu'il se constitue en genre autonome, le roman est perçu comme un « proche parent » de l'épopée ; « [r]oman et épopée promettaient au lecteur un texte patriotique, plein de détails utiles concernant les aspects les plus variés du savoir humain et des prouesses d'armes »4.

Au début de l'histoire du roman cohabitent deux traditions très contrastées. La première est celle du roman comique, engagée par Cervantès et Rabelais, qui se poursuit tout au long du xviie siècle, particulièrement en France et en Espagne. C'est un roman résolument parodique et réaliste, qui raille la littérature noble et les valeurs établies. La seconde est l'héritière du roman de chevalerie et du roman grec. Elle revendique une certaine noblesse des sentiments et de l'expression et un style sérieux. Avec l'avènement du roman historique, le merveilleux qui caractérisait cette tradition est progressivement abandonné au profit du réalisme. Au cours du xviiie siècle, ces deux traditions vont peu à peu fusionner pour donner naissance au genre que nous connaissons, avec son mélange caractéristique de sérieux et d'ironie.

La Pantagrueline Pronostication de François Rabelais, 1532.

Le roman le plus ancien est le Genji monogatari (Le Dit du Genji), œuvre de la littérature japonaise attribuée à Murasaki Shikibu, écrit au début du onzième siècle. C'est aussi le premier roman psychologique et le plus ancien texte encore considéré comme un classique. Aujourd'hui reconnu universellement comme un chef-d'œuvre, le Dit du Genji exerça une influence très faible sur la littérature asiatique et occidentale.

Dans la littérature occidentale, on considère généralement que le roman moderne naît avec Chrétien de Troyes (auteur des premiers romans arthuriens, env. 1170-1190), Joanot Martorell (Tirant le Blanc, 1490), Rabelais (les Cinq livres, 1532-1564) puis Cervantès (Don Quichotte, 1605-1615). De façon caractéristique, ces deux derniers romans parodient le roman de chevalerie médiéval. À la langue noble et aux lieux communs du roman de chevalerie, ces auteurs opposent la diversité des langages de toute la société et un parti pris de réalisme, voire de trivialité.

Le roman de chevalerie n'est pas le seul modèle dont se sont inspirés les premiers romanciers modernes. La nouvelle médiévale (et plus particulièrement le Décaméron de Boccace) ainsi que la littérature et la farce populaire furent des sources également influentes. L'influence de la littérature chrétienne, notamment franciscaine, sur l'œuvre de Rabelais a été également notée5.

Rabelais et Cervantès restent une référence constante de la littérature romanesque, et en particulier du courant du "roman hétérogène", qui se construit sur une multiplicité d'intrigues, de points de vue et de registres de langage, et qui débouche au xxe siècle sur le "roman pluraliste" théorisé par Vincent Message dans le prolongement des analyses de Mikhaïl Bakhtine.

Le roman baroque héroïque se développe au xviie siècle à la cour du roi de France. Inspiré du roman grec, c'est un roman sentimental et d'aventure, avec des accents champêtres (dans l'idylle) ou merveilleux. Deux amants sont séparés par le destin et se cherchent au cours d'aventures pleines de rebondissements imprévus lors desquelles leur amour et leur détermination sont mises à l'épreuve. Les amants se retrouvent à la fin ; leur amour est confirmé par les épreuves endurées. Les romans baroques sont des « romans-fleuves » très volumineux. Les dialogues amoureux y tiennent une place importante. On peut parler à ce propos d'une sorte de casuistique amoureuse (cf. la célèbre Carte de Tendre dans Clélie). Les personnages et les situations sont très stéréotypés. Les exemples les plus célèbres sont Le grand Cyrus de Georges et Madeleine de Scudéry, L'Astrée d'Honoré d'Urfé, Zayde de Madame de Lafayette.

Publié en préface de Zayde, le célèbre Traité de l'origine des romans de Pierre-Daniel Huet, pose un certain nombre de questions touchant au genre romanesque : que nous apprennent les œuvres de fiction d'une culture étrangère ou d'une période éloignée sur ses créateurs ? À quels besoins culturels de telles histoires répondent-elles ? Existe-t-il des bases anthropologiques fondamentales incitant à la création de mondes fictifs ? Ces œuvres de fiction ont-elles été divertissantes et instructives ? Se sont-elles contentées - ce qu'on pourrait supposer à la lecture des mythes antiques et médiévaux - de fournir un produit de remplacement à une connaissance plus scientifique, ou ont-ils constitué un ajout aux luxes de la vie appréciés par une culture particulière ? Ce traité, qui a créé le premier corpus des textes à discuter, a été le premier à montrer comment interpréter les œuvres de fiction. Véhiculé dans un certain nombre d'éditions et traductions, le Traité de Huet a obtenu une position centrale parmi les écrits traitant de la fiction en prose.

Dans la deuxième moitié du xviie siècle, on voit apparaître un nouveau type de roman qui s'oppose radicalement à l'esthétique du roman baroque. Il s'agit de « petits romans » très courts (par opposition aux milliers de pages du roman baroque), et d'un style résolument réaliste. Alors que le roman baroque se situait dans un passé mythique, ces romanciers empruntent leur sujet au passé historique. Dans le roman baroque, les aventures se déroulent entièrement dans la sphère de la vie publique. Dans le petit roman, c'est la sphère privée qui est mise au centre du récit. D'autre part ces petits romans s'opposent aux romans comiques par un ton sérieux et l'emploi d'un style élevé. Pour ces raisons, ces romans sont considérés comme marquant la naissance de la forme romanesque telle que nous la connaissons encore aujourd'hui.

Les exemples les plus significatifs sont la Princesse de Clèves de Madame de Lafayette (1678) et Dom Carlos de César Vichard de Saint-Réal (1672). Alors que le premier roman de Madame de Lafayette, Zayde (1670), était une « histoire espagnole », son deuxième roman révèle un caractère plus typiquement français. Aux histoires de fiers Espagnols se battant en duel pour venger leur réputation succède un roman français plus volontiers porté à l'observation minutieuse du caractère et du comportement humains. L'héroïne, tentée par un amour illicite, résiste non seulement à son désir, mais se rend plus malheureuse en avouant ses sentiments à son mari.

C'est avec la Vie de Lazarillo de Tormes, le célèbre récit espagnol anonyme paru en 1554, que commence la vogue du roman picaresque en Europe. Dans le roman picaresque, par le moyen d'un récit linéaire, un héros miséreux mais génialement débrouillard (le pícaro) traverse toutes les couches de la société au cours d'aventures pleines de rebondissements. L'accumulation d'épisodes souvent comiques dans une trame assez lâche inscrit ce type de roman dans la tradition inaugurée par Rabelais et Cervantès. Francisco de Quevedo y Villegas, avec Vida del buscón llamado don Pablos (en français : L'Histoire de Don Pablo de Ségovie), 1626) donnera à ce genre son expression la plus aboutie.

En France, au xviie siècle, le sous-genre picaresque fut cultivé par Charles Sorel, Paul Scarron, Antoine Furetière, Savinien de Cyrano de Bergerac, Jean de Lannel ; en Allemagne, par Hans Jakob Christoffel von Grimmelshausen. Près d'un siècle plus tard, le Français Alain-René Lesage reprend la tradition de Francisco de Quevedo avec l'Histoire de Gil Blas de Santillane (1715-1735). Le roman picaresque restera un modèle pour le roman ultérieur : Robinson Crusoé, Tom Jones, Till l'espiègle et Ferdinand Bardamu de Voyage au bout de la nuit[réf. nécessaire].

C'est au xviiie siècle que le roman prend sa forme et sa place modernes, au sens où l'on peut l'entendre depuis. Il se développe en Grande-Bretagne et s'exporte vers la France puis la Prusse. S'il reste en quête de légitimation et de définition, comme le montrent les nombreuses réflexions qu'il suscite à l'époque, il connaît en même temps un essor considérable et ses sujets se diversifient. Le roman épistolaire, le roman-mémoire, le roman libertin et le roman utopique rencontrent particulièrement le goût du temps.

Entre 1700 et 1800, il se crée et se publie en France 2 830 romans6.

C'est en Grande-Bretagne au cours du xviiie siècle que le roman acquiert peu à peu sa place centrale dans la littérature, par l'intérêt que lui porte une population récemment alphabétisée. Les premiers romans à succès paraissent, tels Robinson Crusoé ou Tristram Shandy. Le renouveau du roman se propage rapidement à la France, puis à l'Allemagne, comme l'esprit des Lumières. Par ailleurs, la forme et l'esthétique du roman changent. Jusqu'alors, la fiction reste mise en avant de façon ludique, par des auteurs comme Laurence Sterne. Mais progressivement, elle va être dissimulée sous l'apparence d'un récit authentique : biographie, confession, correspondance, récit de voyage... Le Robinson Crusoé de Daniel Defoe illustre très bien cette évolution. Enfin, c'est à cette époque que naît le héros romanesque, avec une psychologie complexe et évolutive et qui donne son nom au roman : Robinson Crusoé, Rob Roy, et Pamela, notamment. Dans le foisonnement du roman anglais de l'époque, on peut distinguer les catégories suivantes.

Le roman réaliste se caractérise par la vraisemblance des intrigues, souvent inspirées de faits réels, ainsi que par la richesse des descriptions et de la psychologie des personnages. On y rencontre des personnages appartenant à toutes les classes de la société et à plusieurs générations successives dans une perspective souvent critique. Considéré comme le « créateur du roman moderne »8, Honoré de Balzac a conçu, dans La Comédie humaine, un monde romanesque à la fois cohérent et complet, avec quelques milliers de personnages, dont plusieurs centaines reparaissent dans divers romans. Ce cycle romanesque aura une influence considérable sur l'histoire du roman. Outre Balzac, on associe généralement à l'école réaliste française Flaubert, Maupassant, Mérimée et George Sand. Toutefois, ces auteurs ne se sont pas cantonnés au réalisme. Balzac a produit des récits d'inspiration fantastique et romantique, et à force de pousser la description des détails jusqu'à l'hyperbole, son réalisme débouche souvent sur une vision hallucinée9. De même, Maupassant et Mérimée ont produit des nouvelles fantastiques et Flaubert a écrit un roman historique avec Salammbô. À la fin du XIXe, le réalisme évolue d'une part vers le naturalisme objectif d'un Zola et d'autre part vers le roman psychologique.

Le roman russe a donné au roman réaliste plusieurs de ses chefs-d'œuvre : Guerre et Paix et Anna Karénine de Léon Tolstoï (1873-1877), Pères et fils de Ivan Tourgueniev (1862), Oblomov de Ivan Gontcharov (1858). Enfin, l'œuvre romanesque de Dostoïevski, dont l'importance pour l'histoire du roman est fondamentale, peut par certains aspects être rattachée à ce mouvement. Le réalisme s'impose également dans le reste de l'Europe : George Eliot et Anthony Trollope en Angleterre, Eça de Queiroz au Portugal, Giovanni Verga en Italie. En Allemagne et en Autriche, le style Biedermeier, art bourgeois en ces pays, impose un roman réaliste empreint de moralisme (Adalbert Stifter). Au début du xxe siècle, ce sont les écrivains américains tels que John Steinbeck, Jack London ou Ernest Hemingway qui perpétueront le style naturaliste.

Avec la généralisation de l'alphabétisation, le goût de la lecture touche maintenant les couches populaires, notamment au travers des éditions bon marché distribuées par colportage et du roman feuilleton. Parmi les auteurs populaires du XIXe, Eugène Sue, George Sand, Alexandre Dumas, Paul Féval, Hector Malot, la Comtesse de Ségur et Paul de Kock. Le xixe siècle voit aussi la naissance de deux genres romanesques populaires : le roman policier avec Wilkie Collins et Edgar Allan Poe, et le roman de science-fiction avec Jules Verne et Herbert George Wells.

La tradition satirique anglaise du xviiie siècle se perpétue avec des auteurs tels que Charles Dickens, William Makepeace Thackeray ou, en France, Octave Mirbeau. Tout en intégrant certains aspects du roman réaliste, notamment l'importance des descriptions et l'ambition de présenter une « vue en coupe » de toute la société, c'est un roman populaire et bourgeois. En Russie, le style satirique est illustré par Nicolas Gogol (Les Âmes mortes, 1840), et par certains des premiers romans de Fiodor Dostoïevski (Le Bourg de Stépantchikovo et sa population, 1859).

Vers la fin du xixe siècle, de nombreux romanciers cherchent à élaborer une analyse psychologique des personnages : derniers romans de Maupassant, Romain Rolland, Paul Bourget, Colette, D.H. Lawrence. L'intrigue, les descriptions des lieux et, dans une moindre mesure, des milieux sociaux, passent au second plan. Henry James introduit un aspect supplémentaire qui deviendra central dans la suite de l'histoire du roman : le style devient le moyen privilégié de refléter l'univers psychologique des personnages. Le désir d'approcher au plus près la vie intérieure des personnages mènera notamment au développement de la technique du monologue intérieur : Les lauriers sont coupés, Édouard Dujardin (1887), Le sous-lieutenant Gustel, Arthur Schnitzler (1901), Les Vagues, Virginia Woolf (1931), et plusieurs chapitres d'Ulysse de James Joyce (1922).

L'essor du roman psychologique reflète celui de la psychologie expérimentale (travaux de William James, frère de Henry, et de l'école viennoise), puis celui de la psychanalyse. L'intérêt des romanciers pour ces développements théoriques est illustré par exemple par le roman La conscience de Zeno d'Italo Svevo (1923). Le Dit du Genji au Japon du xie siècle est considéré comme le premier10 roman psychologique.

De forts liens ont existé entre la philosophie existentialiste et le roman. Søren Kierkegaard, généralement considéré comme le précurseur de cette philosophie, s'est beaucoup intéressé au roman (voir p.ex. Le Journal du Séducteur dans Ou bien... ou bien...). Selon lui, seul un récit subjectif peut rendre compte de ce qu'est réellement l'existence. De fait, on peut observer l'émergence dans les années 1930 de romans faisant écho aux concepts de la philosophie existentialiste. Ces romans se présentent souvent sous la forme d'un récit à la première personne, voire d'un journal. Les thèmes de la solitude, de l'angoisse, de la difficulté à communiquer et à trouver un sens à l'existence y sont importants. Souvent, on y trouve également une certaine critique de la modernité et de l'optimisme humaniste. Ces auteurs utilisent généralement un style « expressionniste » hérité de Dostoïevski.

C'est sans doute Jean-Paul Sartre qui illustre le plus clairement ce lien entre littérature et philosophie. Son premier roman, la Nausée, avait été conçu d'emblée comme une mise sous forme romanesque de concepts philosophiques. Le romancier polonais Witold Gombrowicz, qui connaissait très bien la philosophie existentialiste, considérait également le roman comme un moyen de rendre concrète la réflexion philosophique. Dans le « courant » existentialiste, il fait exception par la légèreté et l'humour de ses romans. On pourra citer encore le cas d'Albert Camus, dont la philosophie, proche de l'existentialisme, a également nourri l'œuvre romanesque. D'une façon plus générale, on peut retrouver des similitudes entre la pensée existentialiste et les romans de Knut Hamsun, de Dino Buzzati, Cesare Pavese voire de Boris Vian. Enfin, le roman japonais d'après-guerre (Mishima, Kawabata, Kōbō Abe et plus encore Kenzaburō Ōe, jusqu'à aujourd'hui Haruki Murakami) développe souvent des thèmes proches de l'existentialisme.

L'invraisemblable était un élément essentiel du roman à sa naissance, mais il fut peu à peu exclu de la littérature romanesque, à l'exception de la littérature de genre (fantastique, merveilleux). Au début du xxe siècle l'invraisemblable refait son apparition dans le roman ainsi que dans la nouvelle. Il s'agit généralement d'une imagination sombre ou grotesque. Ainsi Franz Kafka plonge ses personnages dans un univers de cauchemar où l'on peut être condamné pour une faute qu'on n'a pas commise (le Procès, publication posthume en 1925), ou encore nommé à une charge qui n'existe pas (le Château, publication posthume en 1926). L'influence de Kafka sera profonde sur tout le roman du xxe siècle, et suscitera chez de nombreux écrivains une plus grande liberté face aux canons du réalisme.

Parmi les nombreux romanciers qui ont participé à ce renouveau de la littérature d'imagination, Mikhaïl Boulgakov, Boris Vian, mais également la génération du boom de la littérature latino-américaine, qui publie ses œuvres principales dans les années 1960 et 1970 : Gabriel García Márquez, Alejo Carpentier, Julio Cortázar, Carlos Fuentes. Ce mélange de réalisme et d'éléments fantastiques est toujours très présent dans le roman d'aujourd'hui. Citons par exemple l'écrivain japonais Haruki Murakami, ou le groupe français de la Nouvelle fiction.

La dimension tragique de l'histoire du xxe siècle s'est trouvée largement reflétée par la littérature de l'époque. Les récits ou témoignages de combattants des deux guerres mondiales, d'anciens déportés ou de rescapés de génocides traduisent tout d'abord une volonté de partager une expérience tragique et de l'inscrire dans la mémoire de l'humanité. Cependant la recherche d'une forme esthétique spécifique pour ces récits est tout à fait significative. Ceci n'a pas été sans conséquence sur la forme romanesque. On voit ainsi apparaître des récits non-fictionnels mais utilisant la technique et le format du roman. Citons par exemple Si c'est un homme (Primo Levi, 1947), la Nuit (Elie Wiesel, 1958) l'Espèce humaine (Robert Antelme, 1947), Être sans destin (Imre Kertész, 1975). Ces récits auront à leur tour une influence sur la littérature romanesque, pour des auteurs tels que Georges Perec ou Marguerite Duras.

Du fait de la censure, le recours à la fiction dans la dénonciation des crimes de la terreur soviétique est plus systématique. Des romans tels que une journée d'Ivan Denissovitch d'Alexandre Soljenitsyne (1962), un Tombeau pour Boris Davidovitch de Danilo Kis (1976), ou encore La Plaisanterie de Milan Kundera (1967) ont été pour beaucoup dans la prise de conscience des méfaits du totalitarisme soviétique. Plus spécifiquement, c'est la destruction de la sphère de la vie privée, lieu par excellence du roman, qui est dénoncée dans ces œuvres. Enfin, on assiste au développement au xxe siècle d'un nouveau genre de roman, la dystopie ou anti-utopie. Ces romans, dont la dimension politique est essentielle, décrivent un monde livré à l'arbitraire de la dictature. Ce genre a connu un succès spectaculaire notamment en Europe centrale et en Russie. Les plus célèbres sont le Procès de Franz Kafka, 1984 et La Ferme des animaux de George Orwell, le Meilleur des mondes d'Aldous Huxley, et Nous autres d'Ievgueni Zamiatine. Ces romans anticipent parfois de façon saisissante les dérives totalitaires du xxe siècle.

Dans son optique de bouleversement culturel, Isidore Isou, le fondateur du lettrisme, propose en 1950 de rénover le roman comme il a eu l'ambition de le faire avec la poésie et la musique. Pour lui, le renouveau romanesque va de pair avec le renouveau des arts plastiques. En effet, il considère qu'après l'anéantissement de la représentation figurative perpétré par le dadaïsme et l'art abstrait, ainsi que l'épuisement de la prose « alphabétique » par le roman Finnegans Wake de James Joyce, la seule façon d'apporter de l'inédit dans ces deux arts est de partir sur une nouvelle structure formelle : l'hypergraphie (d'abord nommé « métagraphie »), qui se fonde sur l'agencement de l'intégralité des signes de la communication visuelle12.

Son projet expérimental aura plusieurs avatars. En proposant, dans la phrase grammaticale, le remplacement des termes phonétiques par des représentations analogiques, mais, aussi, par tous les graphismes cohérents et incohérents, acquis ou inventés, Isou, dans son ouvrage Essai sur la définition, l'évolution et le bouleversement du roman et de la prose (1950), a l'ambition de restituer en un sens une forme unité originelle et proposait au roman la matière neuve des notations multiples - idéographiques, lexiques et alphabétiques - capables de reconstruire, sur un plan neuf, l'histoire complète, constructive et destructive, de la narration. Au sein de cet essai, Isou propose même le « roman tridimensionnel » où objets, animaux, humains ou architectures pouvaient être considérés comme des signes ou des supports romanesques inédits. La prose hypergraphique est immédiatement appliquée, au sein du même ouvrage, avec le roman d'Isou Les Journaux des Dieux.

Le « roman hypergraphique » devait également s'enrichir de la graphologie, de la calligraphie, de tous les genres d'énigmes visuels et des rébus, comme il devait s'annexer, en 1952, avec Amos ou introduction à la métagraphologie, la photographie, les différentes possibilités de l'impression superposée, la reproduction sonore, le cinéma, l'architecture, pour intégrer l'ensemble des matières symboliques de la vie, toutes les philosophies et sciences du signe, depuis la linguistique et la grammaire, jusqu'aux techniques d'imprimerie, en passant par les mathématiques. Isou proposera, dans la phase destructive du roman « hypergraphique », le « roman blanc » avec La loi des purs (1963), un roman uniquement constitué de pages blanches (précédé toutefois d'un manifeste qui explique les raisons de cet ultime anéantissement). Le roman « hypergraphique » est « dépassé », en 1956, par le « roman infinitésimal », constitué de n'importe quel support servant de tremplin mental au lecteur, invité à imaginer des infinités de narrations inexistantes ou inconcevables13. Par la suite, en 1960, le « roman super-temporel » proposait des cadres vides ouverts à la participation active et infinie des lecteurs qui pouvaient remplir, à leur guise, quantités de supports vierges, comme autant d'éléments constitutifs d'une prose perpétuellement changeante et interactive14.

À la suite d'Isidore Isou, de nombreux lettristes vont s'essayer à ces nouvelles formes romanesques, notamment Maurice Lemaître et Gabriel Pomerand qui publient respectivement, en 1950, Canailles15, Saint-Ghetto-des-Prêts16, Alain Satié avec son Écrit en prose ou l'œuvre hypergraphique17 en 1971, trois exemples de proses hypergraphiques, Roland Sabatier qui publie, en 1963, Manipulitude18, défini comme un roman hypergraphique super-temporel, ou encore Anne-Catherine Caron qui publie en 1978 Roman à Equarrir19, un roman hypergraphique épuré et hermétique que l'on peut qualifier d'anti-roman tant la trame narrative est absente et les codes romanesques remis en question ou tournés en dérision20.

Les premiers romans publiés en 1950 par les Éditions de Minuit ont d'emblée marqué une rupture assez profonde avec certains traits du roman traditionnel, tels que la caractérisation des personnages, le respect de la chronologie, voire la cohérence logique du texte. Par ailleurs ces romans sont fréquemment réflexifs, en ce sens qu'ils mettent en scène l'aventure de l'écriture (ou de la lecture) aussi bien que l'intrigue romanesque. Le Nouveau Roman est d'ailleurs indissolublement lié à l'effervescence théorique de l'époque avec Jean Ricardou qui se manifeste autour de la revue Tel Quel ou des colloques de Cerisy. Il serait cependant faux de concevoir le Nouveau Roman comme une école littéraire unifiée par une esthétique commune, à l'image du romantisme ou du surréalisme. Il y a en effet peu de ressemblance entre les parodies d'un Alain Robbe-Grillet et les épopées tragiques d'un Claude Simon, ou entre l'impressionnisme psychologique d'une Nathalie Sarraute et l'ironie caustique d'un Robert Pinget. Enfin, on doit signaler l'énorme influence de l'œuvre de Samuel Beckett, en marge du Nouveau Roman.

Il n'en reste pas moins que cette période est probablement celle où, dans toute son histoire, la forme romanesque a été le plus renouvelée. Si le Nouveau Roman apparaît comme un mouvement proprement français, on peut toutefois le rapprocher des expérimentations des romanciers américains de la Beat Generation, et plus particulièrement de William Burroughs. Enfin B.S. Johnson ou Ann Quin en Angleterre, Carlo Cassola en Italie, Max Frisch en Suisse ont été inspirés par le Nouveau Roman.

En Europe, les romanciers, à l'instar de ceux du XVIIIe, cherchent de nouveaux modèles dans d'autres genres littéraires ou d'autres domaines : autobiographie, poésie, journal, reportage, voire dans les arts plastiques. Le caractère fictif qui était central à l'origine prend moins d'importance. Le roman est vu davantage comme un genre très libre capable d'accueillir des expérimentations de langage. Aux États-Unis et dans le monde anglo-saxon, se maintient une tradition plus classique, critique moraliste du matérialisme et du nihilisme de la société moderne.

La place du roman dans les pratiques culturelles change profondément. Concurrencé par la radio, la bande dessinée, le cinéma, la télévision et internet, il perd son statut de reflet privilégié de l'époque. Les romans se font plus courts, reflétant la diminution du temps consacré à la lecture et la difficulté à vivre de l'écriture qu'éprouvent les écrivains lorsqu'ils ne publient pas très régulièrement. L'offre se diversifie avec la multiplication de petites maisons d'éditions. Enfin, un marché littéraire mondial dominé par la production anglo-saxonne se met en place.

Depuis les années 2000, les formes de récit concurrentes « non-romans », comme la narrative non-fiction, la confession, les textes intimes, rencontrent un succès croissant en parallèle du roman1.

Plusieurs raisons peuvent être avancées1 :

  • des formes concurrentes d'histoires et de narrations particulièrement efficaces se sont développées, à commencer par les séries ;
  • les efforts nécessaires au lecteur pour adhérer à la fiction d'un livre sont moins faciles à consentir compte tenu de l'effondrement du temps d'attention ;
  • les lecteurs sont avides de la « vraie vie » de l'auteur car le coût de la lecture semble avoir beaucoup augmenté avec le « coefficient de fiction », comme si la suspension d'incrédulité était plus difficile à obtenir qu'avant.
  • les livres qui se vendent le plus sont ceux qui font l'objet d'une mise en avant dans les médias de masse, à la radio et à la télévision : l'autofiction et les témoignages, genres dans lesquels l'auteur ou l'autrice interrogés est aussi le personnage central du livre, se prête particulièrement bien à ces exercices de mise en lumière médiatiques.

Eu égard à cette désaffection, il ne peut être exclu que le roman ait connu, comme forme dominante d'expression littéraire, son âge d'or et qu'il soit désormais sur le déclin1.

Il s'agit cependant d'une affirmation à nuancer, à plus forte raison si l'on se penche sur des genres populaires tels que la Science-fiction ou la Fantasy22, et qui continuent d'attirer les lecteurs et le public23. L'engouement pour ces œuvres romanesques, comme Game of Thrones, est incontestable24,25. Ces romans best-seller finissent souvent adaptés à l'écran, comme c'est le cas de The Expanse ou The Witcher. Ainsi, les romans portés au cinéma ou en série voient leurs ventes augmenter de façon très significative26. Le roman policier connaît également, lui aussi, un succès croissant27.

On peut distinguer plusieurs types d'écriture du roman.

  • le roman historique, quand l'auteur rapporte l'histoire d'événements vécus (contexte réel) et partiellement fictifs (personnage fictif et réel dans des situations imaginées par l'auteur). (Mémoires de Mike Mc Quay)
  • la biographie romancée, quand l'auteur raconte la vie d'un personnage ayant existé, mais où des événements réels sont mis en reliefs par une reconstitution sous forme de récit partiellement fictif (Napoléon de Max Gallo).
  • l'autobiographie romancée, quand l'auteur parle de son vécu, avec une touche de fiction. (Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau)
  • Autofiction, quand l'auteur est le narrateur et raconte des faits majoritairement non réels ou romancés à l'excès, plus « librement inspirés ». (Catherine Millet)
  • la fiction, quand le narrateur est dissocié de l'auteur. Le narrateur peut s'exprimer à la première personne (l'Étranger d'Albert Camus), à la deuxième personne (La Modification de Michel Butor), à la troisième personne (Aurélien d'Aragon).
  • le roman court ou la novella, quand l'auteur fait un roman, habituellement court, où tous les événements sont reliés à un seul événement principal (contrairement au roman général où se vivent différents événements avec ou sans lien)28. (Complots à la cour des papes de Hans-Jürgen Greif)

Un récit (ou intrigue) est forme littéraire consistant en la mise dans un ordre arbitraire et spécifique des faits d'une histoire. Pour une même histoire, différents récits sont donc possibles. Un célèbre exemple est le mythe, dont la pièce d'Œdipe roi constitue l'un des multiples récits possibles.

Le récit s'oppose à l'histoire, qui est parfois définie comme la succession chronologique de faits se rapportant à un sujet donné1. Walter Benjamin propose d'opposer le récit au roman en disant que le premier est une œuvre créée et lue de façon coopérative, alors que le second l'est de façon individuelle. Le récit se délivre sans explications, son interprétation est laissé à la liberté de chaque auditeur, qui peut le reprendre comme il le souhaite. Le récit a un « pouvoir germinatif » et il est à ce titre capable de transmettre une expérience. Mais pour Walter Benjamin la crainte est le développement de l'information, chargée d'explications, qui se ferme sur elle-même. 2

La mise en récit de thèses saugrenues ou de théories complotistes contribue à les rendre plus crédibles. Une affirmation est en effet évaluée beaucoup plus positivement lorsqu'elle est scénarisée, et encore plus lorsqu'elle se base sur un « effet de dévoilement », c'est-à-dire lorsque le récit met en cohérence des éléments intrigants qui paraissaient disparates jusque-là3. Cette manipulabilité des croyances fondée sur le récit est appelée « effet Othello » par le linguiste M. Piatelli Palmarini (it)4.

En « théorie du récit » (théorie de la littérature) intervient la notion de « narrateur non fiable » (voir l'article Wikipedia Narrateur non fiable).

La première définition repose sur la description du récit comme un type de représentation organisant deux niveaux de séquentialité ( La nature et la penssèe de l`homme). Ainsi, pour Emma Kafalenos6, le récit est la « représentation séquentielle d'événements séquentiels, fictionnels ou autres, dans n'importe quel medium ». Cette définition insiste à la fois sur la grande variété des supports du récit et sur l'importance de tenir compte d'un double niveau de séquentialité propre à toute narration, niveaux désignés, suivant les terminologies, par les termes « histoire-récit »7, ou « raconté-racontant »8, ou « fabula-sujet »9. En outre, si l'on associe souvent le récit à ses manifestations littéraires ou romanesques, il est important de ne pas réduire sa portée aux seules productions écrites et fictionnelles.

« C'est d'abord une variété prodigieuse de genres, eux-mêmes distribués entre des substances différentes, comme si toute matière était bonne à l'homme pour lui confier ses récits : le récit peut être supporté par le langage articulé, oral ou écrit, par l'image, fixe ou mobile, par le geste et par le mélange ordonné de toutes ces substances ; il est présent dans le mythe, la légende, la fable, le conte, la nouvelle, l'épopée, l'histoire, la tragédie, le drame, la comédie, la pantomime, le tableau peint (que l'on pense à la Sainte-Ursule de Carpaccio), le vitrail, le cinéma, les comics, le fait divers, la conversation. »

- Roland Barthes, 196610

La deuxième définition, adoptant un point de vue pragmatique, les définitions du récit mettent l'accent sur l'acceptabilité de la représentation dans un contexte interactif. Ainsi, quand nous lisons une notice de montage ou une recette de cuisine, nous sommes bien confrontés à la représentation séquentielle d'une séquence d'actions, et pourtant nous ne considérons pas ces textes comme des récits à proprement parler11. Sur ce dernier point, la « racontabilité » (tellability) du récit dépendrait, en dehors de facteurs purement contextuels et culturels, de facteurs déterminant une forme spécifique de l'histoire racontée ou de sa représentation. Les approches cognitivistes12 insistent sur l'importance de la rupture (breach) d'une régularité (canonicity) qui aurait pour fonction de nouer la séquence actionnelle (complication) et de fonder sa racontabilité (tellability).

Ainsi que le résume Teun A. van Dijk13 :

« Il existe une exigence sémantique/pragmatique selon laquelle les actions ou événements d'une COMPLICATION doivent être "importants" ou "intéressants". Ainsi, le fait que j'ouvre la porte de ma maison ne constituera pas en général une COMPLICATION possible d'un récit. »

À l'inverse, « lorsqu'un événement inattendu survient ou qu'un obstacle surgit, le déroulement des faits ne suit pas un décours habituel. Cette situation devient un objet potentiel de narration14. » On peut aussi montrer que l'intérêt de l'histoire dépend de la multiplicité de ses développements virtuels, qui représentent autant d'histoires possibles enchâssées (embedded stories) dans une histoire effective15.

Toujours dans une veine fonctionnelle, mais en tenant compte cette fois des différentes combinaisons possibles entre la séquentialité des événements racontés et celle du racontant, Sternberg[Qui ?] a associé trois intérêts narratifs élémentaires à la définition de la narrativité :

« Je définis la narrativité comme le jeu du suspense, de la curiosité et de la surprise entre le temps représenté et le temps de la communication (quelle que soit la combinaison envisagée entre ces deux plans, quel que soit le medium, que ce soit sous une forme manifeste ou latente). En suivant les mêmes lignes fonctionnelles, je définis le récit comme un discours dans lequel un tel jeu domine : la narrativité passe alors d'un rôle éventuellement marginal ou secondaire [...] au statut de principe régulateur, qui devient prioritaire dans les actes de raconter/lire. »

- M. Sternberg16 1992, p. 529

Il est possible d'associer ces différents facteurs cognitifs et poétiques déterminant l'intérêt narratif à une forme générale de réticence narrative engendrant une tension qui oriente l'actualisation du récit vers un dénouement incertain17. Il faut cependant préciser que cette conception dynamique de l'intrigue ne semble applicable qu'à certains récits jouant ouvertement à intriguer leurs destinataires, et il convient d'ajouter que la racontabilité d'autres narrations (par exemple historiques ou journalistiques) peuvent dépendre de facteurs hétérogènes, par exemple la capacité à échafauder sans détours une configuration explicative pour un événement déjà connu18.

Prose ( Desorganisation de la connaissance pour l`appercu de la conscience)

La prose est la forme ordinaire du discours oral ou écrit, non astreinte aux règles de la versification, de la musicalité et du rythme qui sont propres à la poésie. Elle doit néanmoins respecter les règles de la grammaire et peut présenter une des grandes gammes de qualité stylistique et de nuances prosodiques, selon les efforts ou la culture de l'auteur ou du locuteur.

L'origine du mot prose est ancienne. Au ier siècle, Quintilien l'employait pour signifier « forme de discours non assujetti aux règles de la poésie. »1. Puis, l'emploi en tant qu'adjectif prosus, prosa, prosum apparut dans l'écriture d'Avianus au vie siècle, en exprimant direct, sans détour1.

« Tout ce qui n'est pas prose est vers et tout ce qui n'est point vers est prose » Molière, Le bourgeois gentilhomme, acte II, scène IV.

S'appliquant à l'expression commune, le mot prose peut avoir un sens péjoratif (exemple : « la prose administrative »). Il se rencontre aussi dans un emploi métaphorique pour désigner quelque chose de banal et sans relief ; ce qu'exprime l'adjectif « prosaïque ».

La prose, utilisée dans tous les genres littéraires, peut bien sûr apparaître comme un vrai travail stylistique allant jusqu'à la prose poétique comme chez Rousseau, Chateaubriand ou Giono.

Conte

Le mot conte désigne à la fois un récit de faits ou d'aventures imaginaires1 et le genre littéraire (avant tout oral) qui relate lesdits récits. Le conte, en tant que récit, il peut être court mais aussi long. Qu'il vise à distraire ou à édifier, il porte en lui une force émotionnelle ou philosophique puissante. Depuis la Renaissance, les contes font l'objet de réécritures, donnant naissance au fil des siècles à un genre écrit à part entière. Cependant, il est distinct du roman, de la nouvelle et du récit d'aventures par l'acceptation de l'invraisemblance propre au genre merveilleux, ainsi que par certains codes, comme la fameuse phrase d'introduction traditionnelle « Il était une fois ».

Il y a deux pratiques du genre littéraire qu'est le conte : orale et écrite. Ces deux pratiques se différenciant par leur mode de création et de diffusion comme par leur contenu, il convient de les distinguer.

Le conte est un objet littéraire difficile à définir étant donné son caractère hybride et polymorphe. Le genre littéraire comme les histoires elles-mêmes font l'objet d'études convoquant des savoirs connexes, à la lumière des sciences humaines, tels que l'histoire littéraire, la sémiologie, la sociologie, l'anthropologie ou la psychanalyse.

Le terme de « conte » est utilisé parfois pour désigner l'activité de conter, quel que soit le type d'histoires (épopée, légende, histoire de vie, nouvelle, etc.).

Walter Benjamin, dans son étude Le conteur - Considérations sur l'œuvre de Nicolas Leskov (1936), montre que l'art de raconter arrive à sa fin, et que la capacité d'écouter est de plus en plus limitée. La capacité d'échanger des expériences entre humains devient impossible. Ce serait parce que l'expérience humaine perd de sa valeur. Le début de ce processus a commencé, selon lui, avec la Première Guerre mondiale. Cette guerre aurait frappé de mutisme les combattants : leur expérience serait non communicable. Le vécu qui parcourt l'humanité par l'oralité est la source de toutes les conteuses anonymes. Cette source se partage en deux groupes imbriqués, chaque narrateur devant se représenter l'un et l'autre pour bien tenir l'histoire. Le premier groupe est constitué de voyageurs, le second de sédentaires. Le premier peut être une agricultrice, qui raconte les histoires et traditions du pays ; le second peut être un marin commerçant, qui raconte les histoires de l'ailleurs. L'imbrication de ses deux formes a été accomplie au Moyen Âge, grâce aux corporations : paysans et marins maîtrisaient déjà le récit, et les artisans en furent le liant, avec les maîtres sédentaires, qui portaient la première forme, et leurs apprentis itinérants, qui portaient la seconde, l'ensemble dialoguant dans la même pièce de travail2.

Pour Walter Benjamin, Nikolaï Leskov, écrivain aux traits clairs et simples, serait l'exemple d'un conteur du monde du voyage, qui mène un combat contre la bureaucratie orthodoxe en Russie. Ses thèmes peuvent être l'alcoolisme, la classe ouvrière ou les médecins. Par un ensemble de récits légendaires, dont souvent la figure centrale est le juste, il peint des hommes modestes qui deviennent des saints de façon presque normale. Ces récits invoquent quelques fois le merveilleux, mais ils préfèrent, pour ce qui est des croyances, rester dans un naturel solide. Cet intérêt pour les choses pratiques est le trait dominant de nombreux conteurs. Jeremias Gotthelf donne des conseils agricoles aux paysans ; Johann Peter Hebel explique des notions de physique. C'est parce que le vrai récit porte en lui son utilité ; cette utilitée est tantôt une morale, tantôt une instruction pratique, tantôt une règle de vie, dans tous les cas le conteur ou la conteuse sont des personnes de bon conseil pour l'auditoire. Ce conseil est plus une proposition de suite à l'histoire que la réponse à une question. Mais cette capacité à communiquer une expérience est en train de disparaître : ce sont les forces productives qui, progressivement, éloignent le récit de la parole vivante, même si elles lui donnent une nouvelle beauté2.

Walter Benjamin affirme que le premier signe de phénomènes qui provoquent le déclin du récit est l'apparition du roman (littérature). Le roman se place en dehors de toute tradition orale ; une conteuse racontera sa propre expérience ou celles d'autres, alors que le romancier travaille dans la solitude, en vue d'écrire un texte qui sera imprimé, seul moyen pour lui de diffuser son œuvre. Sans imprimerie, pas de romans. Dans sa solitude, une romancière sera dans l'impossibilité d'exprimer comme exemplaire son propre vécu. Écrire un roman demande d'exacerber les vies humaines, et de développer la profonde perplexité d'un être vivant. Il n'y a plus, comme dans le conte, une expérience qui peut être utile à un autre humain, pouvant se propager de bouches en bouches. En plus du roman, une autre forme de communication affaiblit encore la vitalité des récits : l'information. L'information impose la possibilité d'une vérification rapide. Mais elle n'est souvent pas plus exacte que les contes des siècles précédents. Alors que les contes invitent au merveilleux, au dépassement, l'information reste sur la question du plausible. Les informations qui viennent à nous du monde entier débordent d'explications, de précisions infinies qui desservent ce qui pourrait être un récit. Dans un conte, si l'extraordinaire y est raconté avec précision, la psychologie n'est pas imposée, donnant la liberté à l'auditoire d'exercer son imagination, et l'histoire prend alors une amplitude hors de la portée d'une information2.

Le conte oral est aussi souvent appelé conte populaire par les ethnologues et historiens(ennes)3 en raison de l'aspect traditionnel et communautaire qui a longtemps régi la création et la circulation de ces histoires. Il a participé à l'émergence des nationalismes au xixe siècle par référence à la notion de « peuple »4.

Ce type de récit fait partie de la famille de la littérature orale. Celle-ci englobe aussi l'épopée, la saga, le mythe, la devinette, la légende, le proverbe, la comptine, le mémorat, la fable, la légende urbaine, etc.

Le conte est un genre narratif, contrairement à la devinette, au proverbe ou à la comptine5. Il est aussi délibérément fictif, contrairement à la légende, la saga et le mémorat qui se présentent comme véridiques. Contrairement au mythe, le conte de tradition orale a pour cadre narratif principal le monde des hommes, avec son environnement animal végétal et minéral, même si, notamment dans le cas du conte merveilleux, ce monde est souvent en contact avec l'autre monde, celui des morts, des esprits, du petit peuple ou des dieux.

Paul Zumthor, spécialiste des poétiques médiévales, montre que le conte traditionnel partage ses principales caractéristiques avec la poésie orale. Geneviève Calame-Griaule montre la même idée chez le peuple Dogon. Par l'oralité, le langage est formé d'une voix, cette voix vient d'un corps humain, ce corps étant dans un espace concret. Le corps est présent, même s'il est invisible : sa voix peut dépasser les limites visuelles. La voix s'inscrit à la fois dans la compréhension et l'imagination de l'auditoire, et peut aller jusqu'à susciter l'idée d'une puissance primitive, inspirant l'unité du corps et du cœur. Le temps où cette voix et ce corps interviennent est un élément clef de cette esthétique ; ce temps passé, l'œuvre ne pourra être refaite à l'identique, ne pouvant rester que dans la mémoire des êtres présents lorsqu'elle a été faite, vue et écoutée. Cependant, aucune esthétique générale n'a pu être élaborée, et nous ne pouvons construire que des descriptions particulières de certains genres de contes6.

Nombre de ces contes véhiculés par le bouche à oreille ont fait l'objet, depuis la Renaissance, de collectes et de réécritures par des écrivains. Ces démarches figent ces histoires dans une version donnée, et les transforment en objets appartenant au domaine de la littérature écrite. Cela amène les écrivains à se détacher peu à peu des sujets, des structures et des thèmes des contes oraux dont ils s'inspirent.

Le conte littéraire est alors un récit court (contrairement au roman ou à l'épopée), dans lequel les actions sont racontées (et non représentées comme au théâtre).

Selon Vial, on peut qualifier de conte « tout récit qui atteste de la part de l'écrivain l'intention d'isoler dans la multitude des traits qui constituent un événement ou le destin d'une personne, un élément et de déblayer au profit de cet élément unique »9.

Le terme de conte littéraire n'est donc pas synonyme de conte de fées ou de littérature exclusivement enfantine, contrairement à ce que son caractère volontiers fantaisiste et invraisemblable laisse souvent penser.

Cette forme littéraire peut adopter des contenus très diversifiés ; elle ne vise pas nécessairement à émerveiller le lecteur, mais peut également vouloir l'édifier (conte moral, allégorique), l'effrayer (conte d'horreur), l'amuser (conte satirique), etc.

  • Le Centre des Contes et Légendes est un Centre d'art unique en France constitué d'une scène extérieure de 300 places, deux salles de 138 et 62 places, une médiathèque, une résidence d'artistes situé dans le Château de Bernicourt à Roost-Warendin dans le département du Nord10.
  • Le chantier du Catalogue du conte populaire français se poursuit à Toulouse après collaboration au catalogue des contes-nouvelles (éds du CTHS, 2000) et publication d'un supplément au catalogue des contes merveilleux de P. Delarue et M.-L. Tenèze (PUM, 2017)11.

Le vers (du latin versus, « le sillon, la ligne d'écriture », puis « le vers », historiquement « ce qui retourne à la ligne ») est un énoncé linguistique soumis à des contraintes formelles d'ordre métrique. Du respect de telles contraintes, qui peuvent être implicites ou explicites, dépendra, dans une culture donnée et à une époque donnée, la reconnaissance d'un énoncé en tant que vers.

En poésie littéraire imprimée, le vers est souvent repérable grâce à un retour à la ligne indépendant de la bordure de la page. Le vers est souvent associé à la poésie, mais toute poésie n'est pas forcément versifiée, de même que toute forme versifiée n'est pas nécessairement poétique. L'énoncé qui constitue un vers ne se confond pas nécessairement avec une phrase : une phrase peut s'étendre sur plusieurs vers et, inversement, un seul vers peut toucher à plusieurs phrases. Le rejet et le contre-rejet sont des cas où l'organisation des vers s'écarte de la structure syntaxique.

Le vers français se décompose en plusieurs unités appelées « syllabes » (de préférence à pieds, terme réservé à la métrique latine ou grecque). En fonction de ces syllabes, on peut mesurer les différents vers et les grouper ; il suffit, pour cela, de compter les syllabes.

La prose se caractérise par l'absence des contraintes métriques qui font le vers : tout énoncé qui n'est pas en vers est en prose, mais il est toujours possible d'oublier qu'un vers est un vers et, partant, de le lire comme de la prose.

Par écrit, la prose s'organise en paragraphes. Chaque vers est en principe suivi d'un retour à la ligne. La cohérence graphique du vers est telle qu'on en marque souvent la première lettre par une majuscule, même si le mot la portant n'est pas le premier d'une phrase. De même, si, par manque de place, on ne peut écrire un vers en entier sur une ligne, on le signale :

Je me tiens sur le seuil de la vie et de la mort les yeux baissés[les mains vides

(Louis Aragon, fragment d'« Épilogue », in Les Poètes)

La partie rejetée à la ligne suivante, ne constituant pas un nouveau vers, est précédée d'un crochet gauche et alignée à droite (ou fortement décalée).

On tend à grouper les vers : dans la chanson de geste, une suite, de longueur variable, de vers partageant la même assonance s'appelle une laisse. Dans les genres lyriques, on appellera strophe un bloc de vers. Souvent de longueur fixe, la strophe peut se caractériser par un arrangement particulier de ses rimes. Traditionnellement, on groupe les vers du sonnet en deux quatrains et deux tercets.

Dans les éditions modernes, on sépare les strophes par une ligne blanche, ce qui n'a pas toujours été le cas. Il n'est pas rare que la strophe coïncide avec une unité syntaxique, ou ait une cohérence sémantique.

Le vers traditionnel ou classique se définit donc surtout par son mètre, c'est-à-dire par un ensemble de contraintes formelles auxquelles il se soumet.

On connaît trois grandes familles de mètres :

  • les mètres syllabiques qui, insensibles à leurs propriétés prosodiques, se bornent à dénombrer les syllabes ;
  • les mètres quantitatifs, qui s'appuient sur la quantité ou durée des syllabes constituant des pieds ;
  • les mètres accentuels, qui s'appuient sur l'accent tonique,

Les longs vers sont presque invariablement divisés par une césure, contrainte qui est l'une des rares à être communes à toutes les familles de mètres. Cette universalité pourrait bien être due à l'incapacité de l'esprit humain à appréhender globalement des longues suites de syllabes.

La rime est une contrainte métrique fréquente, qu'on s'attend à trouver avant tout en métrique syllabique, souvent aussi en métrique accentuelle. Elle est généralement absente des métriques quantitatives.

La notion de pied, présente en métrique quantitative comme en métrique accentuelle, n'a aucun sens en métrique syllabique puisque les syllabes n'y sont pas hiérarchisées.

Prédominant dans la poésie des langues romanes, le vers à mètre syllabique est déterminé par son nombre de syllabes. La poésie française y a recours de manière prépondérante, ce qui ne l'empêche pas de frayer à l'occasion avec les mètres quantitatifs voire accentuels (cf. par exemple hexamètre dactylique et strophe sapphique).

Paysage ( Inventè par Rodrigo Diaz de Vivar, lors de ses parccurrencias autour des boissinnieres, de pierrelandias et de vasconcellos. Le monde etait inconnu du cotè du dehors; il etait femmeninement conclu, car le froid de l`epoque etait tres intense.)

Paysage photographique aux multiples couleurs de la Serranía de Hornocal, massif montagneux situé près de la ville d'Humahuaca, province de Jujuy, Argentine.Paysage photographique brumeux près d'Arnhem, aux Pays-Bas. Les étendues naturelles sont protégées par décret et des capteurs de vérification du niveau des eaux sont installés.Le sud du massif des Coyote Buttes (Arizona), vu depuis le lieu-dit de Cottonwood Cove.

Un paysage est une étendue spatiale couverte par un point de vue. C'est un ensemble interdépendant au fonctionnement, à la mécanique, autonome formé d'une continuité d'éléments sédimentés et dont l'on ne perçoit qu'une globalité. Son caractère « résulte de l'action et de l'interaction de facteurs naturels et/ou humains » selon la convention européenne du paysage du Conseil de l'Europe1.

La notion de paysage a une dimension esthétique forte, voire picturale ou littéraire en tant que représentation, mais elle recouvre de nombreuses acceptions2 et le paysage manifeste aussi les politiques d'aménagement du territoire, voire la géopolitique3.

Un paysage est d'abord appréhendé visuellement, mais les parfums et ambiances sonores en modifient aussi la perception (on parle parfois de paysage sonore).

Par extension, comme le terme panorama, dans des expressions comme « paysage politique » ou « paysage médiatique », il peut désigner un ensemble contextuel, la vision des choses à un temps donné, le paysage étant en constante évolution.

La notion de paysage apparaît au xve siècle en Europe du Nord et en particulier dans les littoraux des Frises hollandaises, allemandes et danoises. La première occurrence du terme attestée date de 1462, dans trois textes flamands où l'équivalent au terme français est Lantscap, proche de l'allemand Landschaft (1480) et du danois Landskab, plus tardif. Ce terme signifie à la fois le tableau qu'offre le pays au regard, les alentours d'une ville ou d'un village en associant le territoire aux habitants et enfin le « pays d'abondance » à travers l'expression de vette lantscap, c'est-à-dire le pays « gras », à un moment de l'histoire où les Pays-Bas s'engagent dans l'édification des polders qui permettent non seulement d'étendre la superficie du pays, mais surtout de développer l'élevage. Les polders font suite à une particularité de cette partie du littoral de la mer du Nord, les « terpènes », monticules construits par l'accumulation de terre dans les marais littoraux permettant aux populations paysannes d'échapper aux grandes marées et de former une cellule sociale relativement indépendante par rapport aux pouvoirs contraignants des seigneurs. Le terme lantscap renvoie donc non seulement au pays, mais aussi à la société qui le gère et au mode de gouvernance territoriale que la microsociété qui vit sur les terpènes exerce collectivement. Ce sens est corroboré par le terme allemand Landschaft qui associe le Land, c'est-à-dire le pays à Schaft, la société. Le terme germanique trouve son origine sémantique dans le domaine de l'aménagement du territoire et non de la représentation picturale comme l'ont affirmé longtemps les adeptes de la signification culturelle du paysage.

Mais il n'est pas certain que les langues d'origine latine aient adopté ce sens dès le départ. La première occurrence connue du terme français paysage est de 1549, celle du portugais paisagem de 1548, et de l'italien paesaggio de 1552 et il semble bien que ces termes associent davantage la vue d'un tableau au terme plutôt que le sens de l'aménagement du territoire. Mais si la représentation picturale des paysages n'est pas immédiatement associée aux termes en Europe, elle joue un rôle essentiel dans la valorisation des territoires et tout particulièrement par les pouvoirs politiques qui y voient un moyen de représenter l'espace sur lequel ils règnent et en conséquence leur propre image face à la société qu'ils gouvernent.

Avant d'être l'objet de représentations artistiques ou d'études, le paysage était donc un pays au sens originel du terme, c'est-à-dire une portion du territoire offrant des perspectives plus ou moins importantes avec une identité bien marquée, le cas échéant un lieu de vie et de travail pour les habitants locaux qui font partie de ce pays.

La période d'émergence des termes équivalents à paysage, le xve siècle, constitue un moment décisif dans l'évolution des rapports sociaux à la nature, pour plusieurs raisons : l'Europe médiévale a connu une phase de croissance démographique exceptionnelle depuis le xie siècle et surtout pendant les xiie et xiiie siècles durant lesquels les populations ont bénéficié de conditions climatiques favorables et de récoltes abondantes. Mais en même temps, la production agricole privilégiait les cultures céréalières panifiables telles que le blé, le seigle ou le méteil (mélange des deux dernières) alors que l'élevage était fortement déficitaire. L'élevage occupait une superficie nettement inférieure à celle des cultures et était fortement dépendant de la règle de la vaine pâture et des terres collectives ou de l'interdiction de clore son champ. Cette dernière interdisait aux animaux domestiques d'entrer dans les champs avant la récolte, mais souffrait de nombreuses dérogations ; lorsqu'il était permis d'enclore son champ, c'était davantage pour empêcher le bétail d'y entrer et de protéger les cultures. Les animaux devaient se contenter des rares pâturages naturels et des résidus des récoltes. En conséquence, l'alimentation humaine était principalement glucidique, à base de pain, de bouillies ou de soupes dans lesquelles on mettait parfois un morceau de lard de porc, animal dont la viande pouvait être conservée salée alors que le bœuf, surtout réservé à la traction, et le mouton ne pouvaient se garder longtemps.

La part protéique et lipidique de l'alimentation était donc faible, expliquant les forts taux de rachitisme et de faible durée moyenne de vie. Par ailleurs, la viande était réservée aux classes sociales les plus riches, seigneurs en particulier et l'aristocratie auxquels les diététiciens de l'époque recommandaient de consommer de la viande. D'où les nombreux conflits entre l'aristocratie et les paysans sur les herbages et sur la chasse, le gibier constituant une forme essentielle d'accès aux protéines. Les archives regorgent de procès sur ces espaces susceptibles d'offrir une nourriture plus riche. Cette situation se compliquait du fait de l'absence de propriété individuelle du sol pour la paysannerie, les parcelles leur étant concédées par les seigneurs ou le clergé, seuls propriétaires du sol.

La situation climatique qui avait profité aux populations européennes a commencé à se dégrader au début du xive siècle lorsque, à partir de 1320, les étés deviennent humides et froids, les récoltes étant alors plus faibles ; d'autant plus que la période antérieure de forte croissance démographique a incité la paysannerie à essarter les terres qui pouvaient accueillir le bétail ; l'élevage a alors pâti de cette diminution des herbages et les populations déjà affaiblies par le déficit de récolte ont eu encore moins accès à une alimentation protéique. C'est à ce moment-là que la peste s'abat sur l'Europe, en 1348, arrivant à Pise et à Marseille et se répandant dans tous les pays. La peste arrive sur des populations affaiblies par les conditions défavorables d'alimentation et provoque une saignée démographique dramatique, la plupart des grandes villes perdent 50 % de leur population, des villages étant rayés de la carte comme en Angleterre où 200 villages disparaissent. En outre, c'est le début de la guerre de Cent Ans qui ravage les campagnes françaises, les soldats se livrant au pillage des fermes. Il faudra presque un siècle pour que la situation redevienne à peu près normale et les populations pouvant retrouver des conditions de paix - toute relative cependant - et d'alimentation plus riche. C'est donc à ce moment historique, la Renaissance, que les termes équivalents à paysage apparaissent dans les langues européennes. C'est aussi le moment de la découverte de l'Amérique d'où les explorateurs comme Christophe Colomb rapportent des récits de paysages idylliques qu'ils décrivent comme le Paradis terrestre, modifiant par là les représentations sociales des paysages chez les Européens.

La Renaissance fait apparaître une nouvelle conception des paysages et du monde, faisant resurgir une vision utopique et paradisiaque du cadre de vie, fortement amplifiée par la peinture qui commence à se distancier de la représentation religieuse exclusive jusqu'alors des paysages. C'est ce qu'Alain Roger nomme l'artialisation du pays, instauration du spectacle de la nature en objet de contemplation qui se laïcise et perd ses attributs religieux. Le philosophe de l'esthétique du paysage emprunte à Montaigne ce concept d'artialisation, même s'il l'interprète à sa manière, Montaigne affirmant que les artistes dénaturent la nature en la peignant. Ils la travestissent en la rendant plus belle que la nature elle-même.

Cette période clé de l'histoire européenne instaure donc une nouvelle conception du paysage et modifie les formes de gouvernance, même si la monarchie reste le pouvoir politique principal. C'est notamment à ce moment que les agronomes de plusieurs pays commencent à critiquer les pratiques féodales et proposer le développement de l'élevage pour satisfaire une alimentation plus riche. Cet objectif repose sur l'instauration de la propriété individuelle du sol et la suppression du statut des terres collectives, les communaux, commons en Angleterre. C'est aussi le moment où les pouvoirs politiques envisagent un aménagement du territoire fondé sur l'assainissement des terres humides et des marais, comme le marais poitevin, en faisant venir des ingénieurs hollandais pour creuser des canaux et mettre en culture ou en herbages des terrains jusqu'alors immergés dans la mer.

Mais si ces objectifs sont souvent affirmés par les ministres, tels Colbert qui engage la Royauté dans la création des réserves forestières pour construire notamment des navires, par exemple la forêt de Fontainebleau ou de Tronçay, l'aristocratie féodale résiste et compte bien préserver ses privilèges. Même la suppression des communaux ne la satisfait pas, parce qu'elle leur enlève un moyen de soumettre les populations paysannes sur lesquelles elle règne.

Jusqu'au xviiie siècle, le paysage a été pensé en référence à des modèles esthétiques issus de l'Antiquité et de la Bible, et en particulier le modèle pastoral cher à Virgile et qui se retrouve dans le cantique de David (« l'Éternel est mon berger, je ne manquerai de rien. Il me fait reposer dans de verts pâturages »), illustrant les paysages des herbages et des garrigues ou des fonds verdoyants de vallée, où le pasteur contrôle son troupeau de moutons en jouant de la flûte de Pan. S'ajoute à ce modèle celui du pays de cocagne, paysage de l'abondance que Pieter Breughel a peint à sa manière, dans les fêtes joyeuses paysannes du pays flamand aux tables garnies de nourritures riches et variées.

Ces modèles persistent jusqu'à la fin du xviiie siècle, moment décisif d'une changement profond dans la pensée du paysage, moment de crise du système politique féodal qui laisse la place à la démocratie, tout du moins dans les deux pays où elle s'affirme, la France et les États-Unis d'Amérique. Mais ailleurs, comme en Angleterre, la monarchie est devenue parlementaire et les rois n'ont plus le même pouvoir.

Le paysage anglais a connu une transformation radicale de son sens d'origine au début du xviie siècle, lorsque James Ier, roi d'Angleterre épouse une princesse danoise, Anne, qui emporte dans ses bagages le terme danois Landskab qui devient landscape. Alors que le mot danois était lié à une gouvernance populaire, le roi et son épouse vont s'en servir pour affirmer le pouvoir de la Royauté sur le territoire anglais auquel est annexée l'Écosse. C'est surtout la reine Anne qui se sert du mot en faisant jouer à la Cour des pièces glorifiant le rôle du roi sur l'avènement de la grande Île qui deviendra la Great Britain un peu plus tard. L'une de ces pièces, The mask of Blackness représente les divinités et idoles ou les animaux marins qui préservent l'Angleterre et vantent la beauté de ses paysages. C'est de cette date que le terme landscape a acquis un sens de scénographie du pays, c'est-à-dire la Countryside, expression du pouvoir que le roi exerce sur le territoire anglais.

Si la période précédente est marquée par la féodalité et l'absolutisme, il n'en reste pas moins que les prémisses de cette nouvelle phase s'annoncent peu à peu et timidement, mais ouvrent la voie à de profonds changements aussi bien dans la matérialité des paysages que dans leurs représentations sociales. C'est en Angleterre que les premiers signes de ces changements apparaissent, au xiiie siècle, avec les premières enclosures pratiquées par des Lords désireux d'étendre leur domaine agricole aux dépens des terres collectives paysannes. Ils s'approprient donc des commons en marquant les limites parcellaires par la plantation de haies, d'aubépines tout d'abord et font enregistrer les actes de propriété chez des notaires. La paysannerie n'eut pas les forces de lutter contre ces abus, et les paysages des deux façades maritimes du pays, à l'est et à l'ouest, furent ainsi peu à peu transformés par les enclosures, passant ainsi de paysages ouverts destinés à la céréaliculture, à des paysages de bocages verdoyants et accueillant du bétail, moutons et bœufs. Les haies furent parfois remplacées par des murets de pierres sèches. La partie centrale du pays a été au début épargnée par ces appropriations privées. Le mouvement de constitution des enclosures s'est amplifié progressivement et a couvert les deux parties orientales et occidentales de l'Angleterre.

À partir de 1750 environ, le Parlement anglais, sous la pression des Lords, s'engage dans une réforme radicale du foncier et promeut les enclosures parlementaires sur l'ensemble du pays. Les Midlands épargnés jusqu'alors, n'échappent plus à ce changement. Les haies changent aussi de constitution principalement faite de chênes et d'arbustes. Les chênes deviennent le symbole de la puissance du Royaume Uni, et sont chantés par le poète Pope. Ils illustrent la force du pouvoir politique qui, quelques décennies plus tard, luttent contre Napoléon et entraînent sa chute en établissant le blocus de la France grâce aux navires militaires anglais.

Le milieu du xviiie siècle constitue un moment clé dans l'histoire de la pensée du paysage en Europe, liant cette histoire à celle de l'économie et de la politique. Non seulement l'Angleterre instaure la propriété individuelle du sol par les enclosures, mais elle s'engage dans le développement industriel en exploitant les mines de charbon et d'acier et en contribuant à l'essor des grandes villes industrielles comme Londres, Liverpool, Sheffield, Birmingham, etc., où sont édifiées les usines et les équipements de production d'acier. Le développement industriel profite des inventions comme celle de la machine à vapeur inspirées des nouvelles lois de la thermo-dynamique qui permet à l'homme de devenir plus puissant que la nature et accélérer la production industrielle. Cette évolution permet également à Adam Smith d'élaborer sa théorie économique fondée sur l'offre et la demande et le marché, caractérisant le capitalisme libéral. C'est d'ailleurs en Angleterre que Karl Marx, un siècle plus tard, élaborera sa conception de l'économie en se fondant sur les rapports de domination des grands propriétaires anglais sur la paysannerie.

En effet, la grande propriété anglaise profite des enclosures pour constituer des domaines agricoles dont une partie est vouée à leurs loisirs favoris comme la chasse au renard à cheval dans les prairies désormais étendues dans la campagne grâce à la révolution fourragère, c'est-à-dire la culture de l'herbe et principalement le ray-grass ou la fétuque et les légumineuses comme le sainfoin, le trèfle ou la luzerne qui enrichissent le sol en azote et contribuent à accroître considérablement les rendements céréaliers grâce à la rotation des cultures.

Le développement économique a fortement pesé sur la pensée des paysages en instituant de nouveaux modèles paysagers, le sublime et le pittoresque. Le sublime, c'est la capacité que l'homme a acquise de sublimer sa peur de la nature et de devenir plus puissant qu'elle, accédant ainsi à son rêve prométhéen, qui le conduira à se penser comme un démiurge. Les poètes anglais estimaient que les nouvelles villes industrielles étaient sublimes en raison de leurs dimensions et du fracas des usines, le fog émis par les usines, les mouvements incessants des chariots qui transportaient le charbon ou l'acier ; c'est à ce moment que la paysannerie anglaise, chassée des campagnes par la modernisation agricole et l'appropriation des terres par l'aristocratie des « gentlemen farmers » est devenue la population ouvrière urbaine, vivant dans des conditions misérables que traduisent les romans anglais comme Charles Dickens, dont Oliver Twist.

Le modèle pittoresque constitue le versant affadi du sublime. Si celui-ci permet à l'homme moderne de pratiquer l'alpinisme et de vaincre sa peur des hautes montagnes ou du littoral, le pittoresque engage l'aristocratie et la bourgeoisie européenne dans la découverte des paysages, les voyages touristiques. Le pittoresque (du latin pictura qui est d'abord passé dans le français et qui a été emprunté par la langue anglaise picturesque) renvoie aux paysage charmants de la campagne, les monuments naturels comme les chaos granitiques, les bosquets ou les belles maisons rurales qui émeuvent une population enrichie grâce au développement industriel et qui peut pratiquer le tourisme. C'est aussi la découverte des bains de mer, comme les décrit Alain Corbin dans « Le territoire du vide ».

Le pittoresque a un succès considérable au xixe siècle partout en Europe, contribuant à l'édition d'ouvrages illustrés de lithographies (la technique date de cette époque) représentant les paysages les plus prisés et aboutissant à des sortes de tableaux géographiques de la France ou d'autres pays européens mêlant paysages, traditions régionales et contes et légendes. Cet engouement conduira aux premières mesures de protection des paysages dès le milieu du xixe siècle avec un décret de protection de la forêt de Fontainebleau en 1853, concomitant avec la création de l'Alpine Club qui a inspiré celle du Club Alpin Français (le C.A.F.). C'est aussi dans cette période qu'est créé le Touring Club Français (T.C.F.). Cette organisation touristique a joué un rôle essentiel dans la protection des paysages et en particulier dans les premiers sites classés sur décrets préfectoraux, comme la cascade de Gimel en Corrèze, les rochers de Ploumanac'h en Bretagne ou les crêtes rocheuses des Monts d'Ardenne, dénommées les « Quatre Fils Aymon » en référence à une légende régionale. Mais c'est surtout le T.C.F. qui a permis le vote de la première loi à caractère environnemental en France en 1906, défendue à la Chambre des Députés par Charles Beauquier (1833-1916), député radical-socialiste du Doubs et soutenu par les adhérents du Touring Club de France : il s'agit de la loi sur la protection des monuments naturels qui fut abrogée en 1930 et remplacée par la loi sur les sites classés et inscrits toujours en vigueur. Ce député est l'un des fondateurs de la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France.

Après le vote de cette loi, la France organisa en 1910 à Paris le premier Congrès International sur la protection des paysages qui vit rassemblées de nombreuses délégations étrangères dont celle des États-Unis qui purent faire état de leur précocité en matière de protection des paysages avec la création des grands parcs nationaux américains comme ceux du Yosemite et du Yellowstone. La France avait envisagé la création d'un parc national dans la vallée de l'Eau d'Olle, mais la guerre de 1914-1918 mit fin au projet et il fallut attendre 1960 pour que les premiers parcs nationaux soient créés. D'autres pays, comme l'Espagne, ont créé des parcs nationaux bien avant la France.

Cependant, le paysage a pris une ampleur autre que la simple protection avec les avancées des géographes, à commencer par Élisée Reclus, géographe engagé politiquement, auteur notamment de la Nouvelle Géographie universelle, et d'un texte innovant sur les relations des sociétés modernes à la nature, « Du sentiment de la nature dans les sociétés modernes », Revue des deux Mondes (no 63, 15 mai 1866), où il fournit une réflexion très instructive longtemps ignorée et pourtant éloquente sur les rapports actuels de l'homme à la nature. Suivront les nombreuses publications de l'École française de géographie, avec Paul Vidal de La Blache, qui est avec son disciple Lucien Gallois, à l'initiative des Annales de géographie, créées en 1891. La géographie a placé le paysage parmi ses concepts principaux, en le considérant comme le produit des relations entre la nature et les activités humaines, associé au « genre de vie », cher au fondateur de l'École française de géographie. À l'origine discipline globale, la géographie a tenté de préserver ses deux versants : la géographie physique, se consacrant essentiellement à l'étude ces composants abiotiques, biotiques et anthropiques, dans la mesure où ceux-ci découlent des facteurs naturels ; la géographie humaine qui consiste dans l'analyse des activités humaines à la surface de la terre. Le paysage a longtemps été écartelé entre ces deux spécialités qui ont connu après la Seconde Guerre Mondiale une crise aboutissant à une séparation fondée sur l'opposition du déterminisme de la nature issu des conceptions de l'École allemande de géographie représentée par Alexander von Humboldt, Carl Ritter, Friedrich Ratzel, notamment et du possibilisme, qui permet de comprendre les capacités des sociétés humaines à modeler la surface de la terre pour ses besoins d'habitat, circulation, alimentation, etc. Dans un certain sens, le paysage est l'un des produits de ce possibilisme, bien que la géographie physique revendique ce concept comme l'expression des mouvements tectoniques, érosifs, hydrologiques, etc.

Le paysage est resté un concept essentiel de la géographie jusque vers les années 1950, en particulier chez des géographes comme Jean Brunhes, Albert Demangeon, Emmanuel de Martonne, Pierre Gourou, et Pierre Deffontaines auteur avec Mariel Jean-Brunhes Delamarre (fille de Jean Brunhes) de l'une des Géographies universelles. Pierre Deffontaines, en particulier, fut un ardent utilisateur du concept de paysage à travers ses carnets où il dessinait les paysages qu'il analysait, bien que le mot n'apparaisse que rarement dans les titres de ses articles ; cependant, la revue Hérodote lui a consacré un numéro intitulé : « Un géographe, Pierre Deffontaines, grand dessinateur de paysages » (1987), Hérodote, no 43.

Après la Seconde Guerre Mondiale, le paysage est tombé en disgrâce, les géographes se consacrant davantage à comprendre les facteurs de la reconstruction de la France et n'adhérant que de mauvaise grâce à un concept qu'ils considéraient comme bourgeois et hérité du protectionnisme du xixe siècle. La géographie a en effet été marquée par le marxisme comme la plupart des sciences sociales. Mais certains géographes ont poursuivi la voie tracée par leurs prédécesseurs d'avant 1940 comme Philippe Pinchemel, Jean-Robert Pitte, Armand Frémont, inventeur de l'espace perçu. Si Roger Brunet ne peut pas être considéré comme un défenseur du paysage, il a pourtant proposé une analyse du concept comme ensemble de signes.

La géographie physique a été fortement marquée par l'apport des géographes russes et en particulier par les théories de Dokoutchaev avec son modèle de « complexe naturel territorial ». Comme le rappellent G. Rougerie et N. Beroutchachvili, la géographie russe a constitué le moyen d'étudier le paysage par la connaissance qu'il permettait des vastes espaces à très faible densité démographique qui faisaient partie de l'URSS et représentaient une sorte de laboratoire pour construire des théories. Le modèle de Dokoutchaev a été le point de départ de ces approches théoriques qui se sont traduites par la « Landschaftovedenie », très inspirée des conceptions naturalistes allemandes. C'est dans ce courant de pensée qu'apparaît, en 1963, le concept de « géosystème » voué à un grand succès, en Europe notamment, chez les géographes naturalistes comme Georges Bertrand. La géographie russe est marquée par la faible part donnée aux processus sociaux et l'écrasante dimension naturaliste, ce qui permet de comprendre le déterminisme qui la caractérise (voir infra, analyse scientifique du paysage).

L'émergence des préoccupations à l'égard de l'environnement ont fortement modifié le sens du paysage. On doit à Georges Bertrand les premières avancées déterminantes sur le sens du mot paysage, placé aux côtés du géosystème et du territoire comme l'un des concepts essentiels pour comprendre les interactions entre l'approche naturalise, politique et symbolique de l'espace géographique (voir ci-dessous Histoire de la notion en géographie). Il propose en 1968 le paysage comme « science diagonale », assurant la transversalité entre la géographie physique et l'approche naturaliste et la géographie humaine comprenant les représentations sociales des paysages. Le changement de sens du terme doit beaucoup à la création du poste de ministre chargé de l'environnement attribué à Robert Poujade et à celle du ministère de l'environnement placé auprès du Premier Ministre.

Robert Poujade a officialisé la création en 1972 du Centre National d'Étude et de Recherche du Paysage (CNERP), organisme qui a été chargé de recruter des stagiaires issus de disciplines diverses pour les former à l'aménagement du territoire en privilégiant l'approche paysagère, élaborer de nouvelles méthodes d'analyse du paysage, former les cadres des administrations concernées, engager la recherche sur le paysage, créer un centre de documentation spécialisé. Les 12 stagiaires recrutés, qui suivaient des séminaires assurés par un groupe de spécialistes de diverses disciplines, avaient pour mission d'inventer une nouvelle manière d'aménager le territoire en se fondant sur le paysage élargi de l'échelle du jardin à celle du territoire. Le CNERP a été supprimé lorsque les premiers étudiants de l'École Nationale Supérieure du Paysage de Versailles (ENSP), créée en 1975, sont arrivés sur le marché du travail. Mais les voies d'un nouveau secteur professionnel étaient tracées. Dès lors, les nouveaux paysagistes ont commencé à s'insérer dans les administrations déconcentrées de l'État ou dans l'administration centrale comme la Mission Paysage au sein du Ministère de l'Environnement et du cadre de vie en 1979 (Direction de l'Urbanisme et du Paysage).

C'est à partir de cette date que le paysage a pris une place dans l'aménagement du territoire, certes modeste, mais aussi dans l'enseignement (5 écoles formant des paysagistes DPLG à Versailles, Bordeaux et Lille, et des ingénieurs à Angers et Blois), dans la recherche avec un premier appel d'offres en 1983 du ministère de l'environnement et du cadre de vie sur les représentations sociales des paysages, engagé par la Mission de la Recherche Urbaine et trois spécialistes qui vont jouer un rôle essentiel dans le développement de la recherche : Bernard Lassus, plasticien, Michel Conan, sociologue du CSTB, et André Bruston rédacteur de la revue Pour, spécialisée dans le domaine du paysage, notamment (en réalité un appel d'offres avait eu lieu en 1968 par le ministère de la Culture, sur les fonds du CORDA, sans grand succès).

Le développement du domaine du paysage s'est intensifié au début des années 1990, avec l'organisation en 1991 d'un colloque au Centre Georges Pompidou et intitulé « Au-delà du paysage moderne » organisé par Bernard Lassus, Augustin Berque, Michel Conan, Alain Roger, Bernard Kalaora et Lucien Chabason, fondateur de la Mission Paysage. L'objectif de ce colloque était de rompre avec les modèles culturels du pittoresque et de faire entrer le paysage dans la post-modernité. Il avait aussi une portée stratégique consistant à affirmer la dimension culturelle du paysage face à l'essor des approches naturalistes et en particulier de l'écologie du paysage importée des États-Unis par des écologues comme Jean-Claude Lefeuvre. Ce colloque fut l'occasion d'annoncer la création d'un Diplôme d'Études Approfondies « Jardins, Paysages, Territoires » dirigé par Bernard Lassus et dans lequel les enseignants furent les organisateurs du colloque.

Le débat sur la signification du terme paysage a donné alors lieu à d'intenses polémiques, notamment autour de la dimension matérielle et immatérielle des paysages, Et notamment à propos de la théorie d'Augustin Berque des sociétés à paysage et sociétés sans paysage, qui furent réfutées par des géographes physiciens ou par d'autres spécialistes comme Michel Baridon, auteur d'une histoire des jardins. Cette théorie consistait en particulier à affirmer que l'absence du mot paysage dans une langue était déterminante pour l'existence d'une sensibilité au paysage ; ainsi, les civilisations romaine et grecque n'auraient pas eu de sensibilité au paysage, le mot équivalent à paysage n'existant ni dans la langue latine, ni dans la langue grecque. Augustin Berque affirma également que la civilisation arabe n'avait pas de sensibilité au paysage alors que la chinoise ou la japonaise les avaient développée.

Aujourd'hui, cette théorie ne tient plus, de nombreuses publications ont en effet permis de prouver que même en absence d'un mot équivalent, certaines sociétés éprouvent une sensibilité au paysage, que ce soient les Arabes, les Africains et sans doute aussi les sociétés amérindiennes comme les Incas ou les Aztèques ; il suffisait d'observer les sites où ces civilisations ont construit leurs temples ou leurs palais pour se rendre compte qu'elles avaient un sens aigu du paysage, comme le théâtre grec de Taormina en Sicile, Machu Pichu au Pérou, etc.

L'engagement des programmes de recherche sur le paysage, d'abord par la Mission du Patrimoine Ethnologique du ministère de la Culture en 1989. Puis les programmes du ministère de l'écologie, en 1998 « Politiques Publiques et paysage : analyse, évaluation, comparaison » dont le Conseil Scientifique fut d'abord présidé par Georges Bertrand, puis par Yves Luginbühl, suivi par le programme « Paysage et développement durable » phase 1 de 2005 à 2010 et phase 2 de 2010 à 2015, toujours présidés par Yves Luginbühl, ont permis de structurer la communauté scientifique se consacrant au paysage, rassemblant au total une quarantaine d'équipes de recherche plus ou moins interdisciplinaire et d'avancer soit sur la connaissance des effets des politiques publiques, sur les représentations sociales des paysages, sur le sens du terme, sur les relations entre développement durable et paysage, sur la participation citoyenne, notamment. S'y est ajouté le programme « Infrastructures de transport terrestre, écosystèmes et paysages » dont le conseil scientifique a été présidé par Yves Luginbühl puis par Buno Villalba. Chaque programme a donné lieu à des séminaires, des colloques et des ouvrages de synthèse dans lesquels les chercheurs ont pu exprimer les résultats de leurs travaux et les membres des conseils scientifiques de livrer des articles de synthèse (voir notamment le site WEB du programme Paysage et développement durable). Les premiers ouvrages[i] ont été publiés en français et en anglais, le dernier uniquement en français.

La crise économique a eu raison des programmes de recherche sur le paysage (et sur l'environnement) qui n'ont plus reçu de financement à partir de 2014. Pourtant, la France était le seul pays européen à avoir fait autant d'efforts pour la recherche sur le paysage, l'Autriche ayant aussi mis en place un seul programme dans les années 1990-2000. Le ministère de l'écologie a changé de stratégie et a engagé en 2015 un nouveau programme de recherche-action « Paysages, transitions, territoires » centré sur des projets d'aménagement du territoire expérimentaux cherchant à mettre en œuvre les transitions énergétiques, écologiques et économiques. Mais les financements ne sont pas tous assurés. La suppression des crédits incitatifs à la recherche sur l'environnement pèsent lourd sur l'avenir des disciplines qui s'y sont consacrées. Le risque est grand de voir les équipes scientifiques se disperser et s'orienter vers des problématiques éloignées des questions environnementales ou paysagères. D'autant plus que l'Agence Nationale de la Recherche ne conduit pas les recherches de la même manière, ayant pour stratégie de créer des grands consortiums de chercheurs avec des budgets bien plus importants au détriment de l'animation scientifique quasi inexistante.

Cependant, la recherche a permis l'instauration d'approches complémentaires et diverses sur le paysage, s'établissant sur un continuum allant de la matérialité du paysage avec la géographie physique dont l'objet est le paysage concret parfois sans l'homme lorsqu'il s'agit de s'interroger sur les paysages du début du quaternaire ou des formations géologiques, ou encore l'écologie du paysage, à l'immatérialité paysagère dont l'objet repose sur les représentations sociales des paysages avec la géographie humaine, la sociologie, l'anthropologie, l'histoire, l'archéologie, la philosophie et la littérature ou l'histoire de l'art.

À la fin du xxe siècle, deux approches complémentaires concernent le paysage :

  • il est d'une part considéré comme un système (géosystème ou géocomplexe5 notamment décrit et analysé par la géographie, l'histoire, la géologie, l'écologie du paysage). Ce système est modelé par des facteurs naturels abiotiques (physiques, chimiques) et biotiques (biologiques), ainsi que par des facteurs anthropiques, qu'on peut distinguer à différentes échelles, éventuellement hiérarchisées. Le paysage peut de ce point de vue présenter une écopotentialité non exprimée (cachée dans la banque de graines du sol par exemple), mais qu'on pourrait révéler ;
  • le paysage est d'autre part considéré comme une perspective culturelle, avec ses grilles de lecture, ses filtres intellectuels ou sensuels de création et d'interprétation de l'espace, où s'articulent plusieurs plans et où l'on peut identifier des objets, chacun selon sa culture et ses référentiels.

Dans une approche utilitariste et/ou fonctionnelle, la notion de paysage oscille aussi entre deux pôles6 :

  • le « paysage produit », considéré comme la résultante de l'action conjointe des sociétés humaines, du monde vivant (animal, végétal, fongique, etc.) et du milieu abiotique. C'est cette conception qui prédomine en écologie du paysage, écologie étudiant dans le temps et l'espace (unités biogéographiques) la dynamique et l'agencement des taches du paysage aux échelles intermédiaires entre le planétaire (biosphère) et le local, les communications, les barrières, les fragmentations ;
  • le « paysage utilisé » considéré comme la perception culturelle et fonctionnelle que l'on a de son environnement à perte de vue, à l'exception des points d'intérêts proches de l'observateur. On s'est référé également au paysage pour désigner sa représentation dans une œuvre.

L'approche patrimoniale du paysage lui accorde des valeurs esthétique, historique, de mémoire, économique ou encore d'aménités. Ces valeurs varient selon les époques, sont jugées plus ou moins subjective et relative selon les acteurs7. On a par exemple en France des sites classés.

Dans une approche fonctionnelle et de planification, les aménageurs du paysage ou les collectivités y voient des fonctions de production (économique et touristique), de régulation (écologiques, pour l'eau, pour l'air, comme puits de carbone) et sociales (aménités). La première des trois grandes propositions issues des assises européennes du paysages 2011 était de produire « des indicateurs pour mesurer le bénéfice paysage ; avec nécessité d'évaluer les effets des aménagements paysagers à travers d'autres critères qu'économiques est revenue à de nombreuses reprises au cours de ces 3 jours ». Val'hor (l'interprofession de la filière française du paysage) et ses fédérations professionnelles ont décidé de créer un groupe de travail élargi sur ce thème, pour mieux mesurer les services environnementaux, économiques, culturels, sociaux et santé rendus par les végétaux, les jardins et le paysage, afin notamment de mieux informer les élus et pouvoirs publics sur ces questions8.

Dans tous les cas, l'approche occidentale du paysage reste intimement liée a la notion du regard ce qui la restreint finalement aux dogmes de la perspectives italienne. Force est de constater que d'autres civilisations, moins en prise avec la géométrie perspective, représentent et abordent la notion d'environnement vivable et sensible de manière différentes. En termes de représentation, les vues circulaires apportent un éclairage intéressant aux notions de parcours, d'ambiance et de proportion sensible des objets dans le paysage. Ce sont peut-être les cartographies fengs hui primitives qui, sur ce terrain de la représentation du lieu, nous offre formules originales et trouvant échos aux problématiques contemporaines de la construction du territoire. L'ouvrage Architecture du paysage en extrême orient de Sophie Clement reste, en langue française, fondateur de l'idée d'un possible « superpaysage ».

Une anthropisation et une fragmentation accélérées des paysages ont été constatées au xxe siècle. Dans le cadre d'un développement se voulant plus soutenable, des approches plus holistiques et transdisciplinaires basées sur l'écologie du paysage visent une « réconciliation des sociétés humaines avec la nature »9, aux échelles locales et globales, dont l'échelle paysagère.

Dans tous les cas le paysage est plutôt considéré comme un bien commun, dans une certaine mesure appropriable par la propriété privée, et susceptible d'être protégé, géré ou transformé.

Le paysage est avant tout une « vue »10 : à la fois vue d'un espace qui existe indépendamment de nous, comme la montagne et donc susceptible de pouvoir être étudié de façon objective : l'altitude, la température, la structure interne mais aussi vue d'un espace que l'on perçoit11, que l'on sent et cela, chacun de manière différente (« [...] il voit les mêmes choses, mais avec d'autres yeux », N. Gogol, Tarass Boulba12). À partir du moment où l'appréciation esthétique entre en compte, où l'on charge l'espace « de significations et d'émotions »13, l'étude paysagère ne peut être que subjective.

En effet, chacun voit, perçoit le paysage avec ses yeux, mais aussi sa sensibilité personnelle. J.P. Deffontaine14 le montre bien dans son petit ouvrage. Il présente un paysage de montagne à travers différentes perceptions : celui du paysan, du botaniste ou du géologue. L'image est la même, mais le paysage est à chaque fois différent. La particularité du géographe est d'embrasser l'ensemble de ces points de vue et d'y apporter une dynamique.

Le paysage visible construit à travers des filtres est aussi « sensation interne », ce que Diderot appelait « rumeur des viscères ». En effet, tous les sens entrent dans la construction du paysage, qu'il s'agisse du toucher, de l'odorat, de l'ouïe. Le paysage sonore a notamment été étudié par le compositeur et musicologue canadien Raymond Murray Schafer. Pour lui, ce paysage est soumis à la fois à la discontinuité (il n'y a pas de fond sonore véritable) et à la disjonction entre « l'entendu et l'identifié »21 (difficulté de reconnaître, de situer, la source d'un bruit émis). Alors qu'autrefois il était bien supporté, aujourd'hui le bruit suscite la plainte et est connoté négativement, rattaché aux couches populaires, d'où l'ascension des vertus de silence devenu paradoxalement moyen de distinction. Cela étant, C. Montès (2003) et C. Semidor (2006) montrent que le paysage sonore est aussi porteur d'une identité, d'une culture. Certains chercheurs, comme Henry Torgue, du laboratoire Cresson, rappellent par l'importance de la prise en compte du son dans les projets d'aménagement, la subjectivité de la connotation négative du son dans un paysage.

L'étude paysagère par le biais de l'odorat et du toucher est très intéressante mais beaucoup moins développée.

Claude Raffestin a mis en garde contre le « totalitarisme de l'œil » en géographie. Il regrette que la géographie traditionnelle du paysage se concentre surtout sur sa description visuelle22. En effet, il souligne que se focaliser sur l'apparence du paysage empêche de saisir la territorialité qui est à la base de sa construction23. C'est donc un système de relation qui serait à l'origine du paysage. La constitution du paysage dépend alors des pratiques et des relations inégales entre différents acteurs24. Raffestin affirme ainsi « [...] que le paysage est la structure de surface alors que la territorialité est la structure profonde. »

Le paysage est soumis à des changements temporels et à des cycles tant comme vision que comme production de l'espace27.

La notion de paysage et son approche géographique, économique, sociale, esthétique ou écologique font nécessairement appel au temps auquel on se réfère. Quelle que soit la définition donnée du paysage, son observation et son étude confrontent impitoyablement deux êtres vivants, l'un observé et l'autre observateur. Et comme tous êtres vivants, l'un et l'autre sont sujets aux variations séculaires, annuelles, saisonnières ou journalières. L'observé se présente à un moment « T », chargé de son passé, visible ou non, et déjà riche de son devenir, prévisible ou non. De même, l'observateur se présente à un moment « T », chargé de son passé, de ses acquis culturels, sociaux, avec sa propre personnalité, le tout constituant un être également en devenir. Saisir un paysage est donc un moment bref et non renouvelable à court terme. En ce sens, ce que l'on saisit, le paysage, ne peut être considéré que comme une entité unique, personnelle et éphémère. Le paysage n'est que pour ce qu'il est au moment où son observateur le voit. Dans l'absolu, on peut ainsi affirmer que, en dehors de cet instant « T » pour un observateur défini, le paysage n'existe pas.

Historiquement, le paysage est d'abord une notion artistique, au sens de décor disposant d'une valeur esthétique31. Le regard paysager s'est formé dans le monde occidental au contact de l'art pictural et de ses évolutions au début de l'époque moderne32, notamment à la Renaissance. La naissance du paysage est liée ainsi à une « médiation par l'art », à un processus d'« artialisation », notion empruntée à Montaigne par Alain Roger33, qui permet de passer du pays au paysage. L'intervention de l'artiste34 et de son regard entraîne « une dualité pays-paysage qui répond à une dualité de type de dualité nudité-nu, la nature étant le «corps dévêtu qui ne devient esthétique que grâce à l'intervention de l'art »31 : c'est ce processus qu'Alain Roger nomme « artialisation ».

Le paysage naturel fait désormais l'objet d'un discipline scientifique à part entière, l'écologie du paysage, et peut être considéré comme un patrimoine commun à préserver.

En aménagement du territoire, la prise en compte des aspects paysagers d'un quelconque projet d'aménagement (rénovation, remembrement agricole, autoroutes, etc.) est désormais presque obligatoire. En effet, le Plan local d'urbanisme des communes doit désormais le prendre en compte, et des lois comme celle du 8 janvier 1993 (dite « loi Paysage ») permet la protection du paysage en tant que tel. Ainsi, la plupart des projets d'aménagement, comme les plans de gestion des espaces naturels, comportent au préalable une analyse paysagère du milieu.

En application des principes de la Convention européenne du paysage, les pays de l'Union européenne sont tenus d'inventorier leurs paysages dans un souci d'aménagement, de gestion ou de préservation. En France, cet inventaire est réalisé sous la forme d'atlas de paysages, à l'échelle départementale ou régionale.

Point de vue cognitif

Le point de vue cognitif d'un individu est la position qu'il exprime sur un sujet. Par exemple, dire que « la fleur est jaune » signifie que quelqu'un a observé quelque chose, l'a identifiée à une « fleur », quel que soit le type de fleur, l'a comparée dans le spectre de couleur à « jaune » et a décidé que la couleur était suffisamment proche de « jaune » pour utiliser le mot « est » pour décrire la relation entre la fleur et sa couleur. L'ensemble de ces décisions conduit au point de vue exprimé.

Généralement, le point de vue peut être décrit comme étant exprimé :

  • à la première personne : « Je vois que la fleur est jaune, je décide de la cueillir. » ;
  • à la deuxième personne : « Vous dites que la fleur est jaune ? Puis-je vous croire ? » ;
  • à la troisième personne : « Guillaume et Marcel disent que la fleur est jaune. »

Un point de vue neutre ( La nature)  désigne la recherche d'un tiers objectif comme source d'expression d'un point de vue. Il s'agit d'attribuer toutes les constatations et prises de décisions constitutives d'un point de vue à une troisième personne, physique ou morale. Cela s'effectue souvent selon le modèle suivant : « A dit B à propos de C », où A joue le rôle du tiers objectif, apportant une distanciation nette entre le point de vue exprimé (B) et le locuteur énonçant cette relation entre A, B et C. Cette façon de faire introduit le problème de la valeur du discours, du choix du tiers objectif, problème qui n'existe pas lorsque l'expression d'un point de vue est directe. Cela requiert souvent de faire appel au professionnalisme, aux autorités en la matière, de se reposer sur les réputations (e.g. « Le professeur A a développé dans sa thèse l'opinion B sur la vue scientifique de la problématique C »)... Sans un vaste canevas d'accords, qui constituent en eux-mêmes un biais systématique, il n'y a aucun moyen d'adhérer à ce point de vue neutre et certains n'en tiendront pas compte, critiquant sa partialité.

Le point de vue naturel, tout comme dans l'idée de la loi naturelle, est souvent le résultat du choix d'une science particulière, telle que la physique des particules, l'écologie ou l'économie telles qu'exprimées en biologie (les chaînes trophiques...) et le fait de décider que toute la réalité peut en découler et ainsi être évaluée. Le bouddhisme et le taoïsme idéalisent cette approche, mais admettent qu'elle soit difficile, voire impossible à atteindre, et définitivement impossible de communiquer avec un autre être humain en étant sûr de se comprendre.

Le point de vue multiple est un compromis, mais nécessite ce qui est souvent appelé (avec dédain) « de la politique comme d'habitude » : la séparation des participants en factions, au moins pour se mettre d'accord sur un vocabulaire, une étiquette de comportement et un minimum de morale et d'éthique communes.

Représentation (Cklaustrification de la penssèe lorsque l`appercu materiel rentre dans l`athyyhum, c`est a dire, la maisonnee. Le resultat c`est: ou la peinture, ou la cuissine ou l`ecriture)

Représentation (terme issu du latin reprœsentatio, de reprœsentare datant du xiiie siècle) désigne étymologiquement « l'action de replacer devant les yeux de quelqu'un »1. La représentation apparaît d'abord comme une présentification : il s'agit de rendre sensible un concept ou un objet absent « au moyen d'une image, d'une figure, d'un signe »2 (penser à une table faisant apparaître en esprit une table). Cette notion d'origine latine garde tout son sens étymologique mais revêt des acceptions sensiblement distinctes suivant le contexte dans lequel elle est utilisée.

Dans le Vocabulaire Lalande, la notion de « représentation » se trouve distribuée, avec des sens différents, entre les rubriques: « représentatif », « représentation », « représenter »3.

En ce qui concerne la « représentation » proprement dite, la notion signifie le « fait de représenter [...] une personne ou une chose », et Lalande renvoie en premier lieu à la monade selon Leibniz. Il évoque en particulier la langue juridique du Code civil (article 739) dans le cadre des droits de succession4. Ensuite est signalée, au sens concret, « la représentation nationale » pour « l'ensemble de personnes qui en représentent d'autres »5.

Sinon, le terme « représentation » désigne plus généralement « ce qui est présent à l'esprit; ce que l'on "se représente"; ce qui forme le contenu concret d'un acte de penser »5. Il peut être question également de la « reproduction d'une perception antérieure » comme écho actuel de sensations anciennes (d'après Taine cité dans De l'Intelligence, 1870)5.

En psychanalyse, la représentation comme représentation psychique est l'une des deux composantes de la pulsion - contenu concret d'un acte de pensée -, par opposition à l'affect.

Sigmund Freud recourt au terme Vorstellung, traduit en français par « représentation ». Selon Jean Laplanche et Jean-Bertrand Pontalis, le mot relève du vocabulaire classique de la philosophie allemande, sans en modifier au départ l'acception: il s'agit de « désigner "ce que l'on se représente, ce qui forme le contenu d'un acte de pensée" et "en particulier la reproduction d'une perception antérieure" » (d'après Lalande cité par les auteurs du Vocabulaire de la psychanalyse)6. Mais Freud va en faire un usage original : il « oppose la représentation à l'affect »6.

En psychologie expérimentale, la représentation renvoie à la représentation mentale du monde extérieur en associant une perception à une idée, une catégorie de faits, une image mentale, un symbole ou un modèle explicatif. Cette même représentation mentale est aussi utilisée en psychologie cognitive et dans les neurosciences.

Or, selon Émile Jalley, la notion de « représentation » employée par les chercheurs actuels n'est pas significative, ni représentative du réel. Aujourd'hui :

« effectivement personne n'arrive à définir clairement ce qu'est une représentation, autrement que par référence à un ensemble de dénomination purement verbales, toujours plus ou moins empruntée au langage de l'informatique. Comme on le souligne ailleurs (Jalley, 2006, 14.7.), la tendance moderne, concernant la nature et la source de la représentation, semblerait avoir parcouru le chemin d'une critique de Piaget consistant d'une part à jeter par-dessus-bord le côté fort de la doctrine piagétienne, celui consistant dans le versant opératif du schème sensori-moteur et de ses dérivés (concept), et trouvant sa source directe dans l'action, d'autre part à valoriser le versant mineur d'une telle doctrine, l'aspect figuratif du schème et ses rejetons (image mentale), ce qui ne peut ramener le modèle de la représentation qu'à la source très ancienne, mais jamais tarie, de la doctrine empiriste et associationniste, quand ce n'est pas nativiste, offerte par la perception, et à la figure par sa sœur, la mémoire, devenue pour sa part - avec ses trois niveaux [Long Terme, de Travail, Court terme], le cheval de bataille de la psychologie cognitive moderne, ce qui est d'ailleurs n'est pas très nouveau non plus (Taine, Bergson).

Alors que Piaget posait la double nature opérative et figurative de la représentation en privilégiant l'opérativité sur la figurativité, c'est-à-dire grosso modo le calcul logique, vecteur du signifié, pour venir informer l'image mentale et le langage, supports du signifiant, le cognitivisme tend à privilégier au contraire les significations représentatives organisées par un calcul d'espèce plus automatique et plutôt moins riches que la composante logique piagétienne. Le nouvel appareillage installé par la perspective cognitiviste est largement spéculatif.

...: pour Piaget, ce sont les opérations qui contraignent et informent les représentations, alors que c'est le contraire pour le cognitivisme. »7

Par ailleurs pour Henri Wallon dans De l'acte à la pensée :

« La représentation n'a pas été une sorte de luxe vis-à-vis du réel, une simple conscience contemplative du monde.

Elle a été un prototype volontariste des choses. Les choses, telles qu'il fallait qu'elles existent, telles qu'elles devaient être modifiées pour les besoins collectifs et par la volontés du groupe. Le prototype n'en est donc pas le simple décalque, il en est comme la raison vivante.

La question de savoir si nos représentations sont d'abord individuelles ou générales est mal posée. Dans la mesure où elle est d'abord la volonté d'une certaine réalité, elles sont antérieures à l'individuel et le dépassent.

Mais, elles ne sont pas plus le général, car elles n'ont rien d'abstrait. Elles sont la volonté d'une chose bien individuelle et concrète, mais une volonté ou un attente susceptible de dépasser chacune de ses réalisations éventuelles.

La représentation commence par se référer non pas au général, mais au générique.

Elle n'est pas une abstraction qui conviendrait à une série d'objets dépouillés de leurs caractères strictement individuels. Elle est une existence en puissance, c'est-à-dire le contraire d'une abstraction. »8.

Esthétisme ( Renderissattion de l`emotion du payssage enver nous. La nature naturante nous sent, nous olfactionne, nous decontraste et nous en passionate. L`Esthetisme c`est elle; c`est pourquoi, sa meilleure action, c`est nous)

L'esthétisme ((en) Aestheticism, Aesthetic movement) est un mouvement artistique et littéraire britannique qui émerge durant le dernier tiers du xixe siècle (1860-1900), contemporain du symbolisme en France et en Belgique, et qui a été rapproché du décadentisme. La principale figure, sans doute la plus populaire, en est Oscar Wilde.

Ce mouvement met en avant l'esthétique des formes d'expressions artistiques, plutôt que les valeurs morales et sociales qui leur sont attachées. Le concept de « l'Art pour l'art » forgé entre autres par Théophile Gautier dès 1835, en résume les intentions.

Les origines de ce mouvement se trouvent dans le romantisme allemand, en particulier chez Schiller dans ses Lettres sur l'éducation esthétique de l'homme (1794), qui influenceront la bohème, un « état d'esprit » mêlé d'idéalisme qui gagne l'ensemble de l'Occident à partir des années 1830. C'est Thomas Carlyle qui fut le premier traducteur des écrit de Schiller en anglais entre 1825 et 1834 ; ce travail eut alors une influence déterminante sur une partie des intellectuels britanniques1.

Dans les années 1850-1860, des personnalités comme John Ruskin, William Morris et Dante Gabriel Rossetti, s'interrogent face aux valeurs véhiculées par l'expansion commerciale et industrielle du Royaume-Uni qui s'accompagne d'une montée du matérialisme et du mercantilisme, et d'un rétrécissement moral évident. L'Époque victorienne accouche d'une forme de doute et de distanciation de la part de ces penseurs qui s'emploient à défier de telles valeurs dominantes, voire écrasantes.

L'esthétisme est donc à la fois intrinsèquement britannique - fondé sur un prolongement de l'art préraphaélite et le rejet d'une industrialisation qui a radicalement transformé les paysages et les modes de vie du Royaume-Uni au fil du xixe siècle - et résolument européen, puisant ses sources dans la philosophie allemande et chez des écrivains français comme Baudelaire ou Gautier2.

Un mouvement paradoxalement moderne

Professeur à Oxford dans les années 1860, l'historien d'art Walter Pater forment de nombreux jeunes gens, les invitant « à vivre intensément à l'aune d'un idéal de Beauté » ; parmi ceux-ci on trouvent Simeon Solomon et Algernon Swinburne. En 1873, avec son essai Studies in the History of the Renaissance, Pater réaffirme la primauté de l'art, et du plaisir qu'il procure, sur toute autre considération didactique ; ce texte déclenche alors de nombreuses polémiques3. L'un des « disciples » de Pater n'est autre qu'Oscar Wilde. Dans les années 1880, Swinburne et Wilde se montrent ouverts aux premières manifestions des symbolistes. Le rôle de Stéphane Mallarmé entre autres traducteurs de Ruskin et qui connait Pater, et qui sert ici de lien entre les deux pays, est fondamental. Toutes les formes d'art au Royaume-Uni vont être touchées par ce mouvement. Les essais et poèmes des uns influencent les musiciens, les peintres, les décorateurs, quand ce n'est pas l'inverse. Le mouvement s'affirme dans les années 1880 au point que la presse s'en moque, y trouvant une forme de maniérisme. Gilbert et Sullivan produisent un opéra satirique Patience créé à Londres en 1881 au Savoy Theatre qui se moquent entre autres de l'esthétisme jugé à la fois prétentieux, hypocrite, simpliste et, au fond, réactionnaire4.

Un panorama (mot anglais du xviiie siècle, lui-même formé à partir des mots de grec ancien pan ou « παν », tout, et horama ou « ὅραμα », spectacle) est une vue en largeur d'un espace physique.

Dans le langage courant, cela veut généralement dire une vue d'un objectif grand angle, que ce soit en photographie, en dessin, en peinture ou au cinéma. Le nom de la figure de panoramique au cinéma dérive du panorama. La plupart des appareils photo numériques ont une option « panoramique assisté » qui permet de prendre la photo suivante avec une partie de la photo précédente visible sur l'écran LCD. Cela permet ensuite de faciliter la superposition des photos lors d'un post-traitement numérique, souvent à l'aide d'un logiciel spécialisé, éventuellement avec n'importe quel logiciel de traitement numérique des photos.

Types de panoramas[modifier 

  • Panorama urbain
  • Panoramas sur 4π stéradians : Ils donnent aux spectateurs la possibilité de se mouvoir sur 360° à l'horizontale et à 180° à la verticale dans une sphère virtuelle
  • Panoramas sphériques : Les panoramas sphériques sont composés de multiples photos d'un lieu donné, assemblées par ordinateur.
  • Panoramas cubiques : Une variante de la projection sphérique est la projection cubique. Les images sont assemblées non pas pour former une sphère mais un cube virtuel.

Panoramas cylindriques

Les panoramas cylindriques sont faits de l'assemblage de diverses photographies sur un plan horizontal. Ils donnent aux spectateurs la possibilité de se mouvoir sur 360° à l'horizontale.

Généralement, les logiciels fournis avec les appareils photo numériques permettent la création de panorama. Le logiciel repère les correspondances entre les photos qui se suivent et les fait coïncider.

Panoramas stéréographiques

De tels panoramas sont également faits de l'assemblage de différentes photographies mais font l'objet d'une projection stéréographique. Aussi le résultat est-il différent : le sol ne figure plus en bas de la prise de vue photographique mais au centre de celle-ci, et le ciel ne figure plus en haut mais sur tous les bords extérieurs. Le résultat s'apparente donc à un disque. De telles représentations sont ainsi appelées « petites planètes » (« wee planet » en anglais) par le photographe Alexandre Duret-Lutz.

La photographie est l'ensemble des techniques, des procédés et des matériels qui permettent d'enregistrer un sujet en image fixe.

Par extension, le terme « photographie » désigne aussi le phototype c'est-à-dire « tout support photographique, négatif ou positif, visible et stable, obtenu après exposition et traitement d'une couche sensible (qui s'oppose à l'image latente), ou le fichier numérique obtenu par appareil de prise de vue numérique. Ainsi, lorsqu'une photographie en noir et blanc est doublée en couleurs, le négatif noir et blanc et le positif (ou négatif) couleurs constituent deux phototypes distincts »1 2.

Le terme désigne également la branche des arts graphiques qui utilise cette technique.

Le substantif féminin3,4,5,6 « photographie » (photography) a été proposé par John Herschel dès mars 1839 et provient de deux racines d'origine grecque :

  • le préfixe « photo- » (φωτoς, photos : lumière, clarté) - « qui procède de la lumière », « qui utilise la lumière » ;
  • le suffixe « -graphie » (γραφειν, graphein : peindre, dessiner, écrire) - « qui écrit », « qui aboutit à une image ».

Littéralement : « peindre avec la lumière ». Le terme plus court de « photo » est très fréquemment utilisé. Dans le cas où l'on parle d'une image photographique, on emploie aussi souvent les termes « image » ou « vue », et, mais de moins en moins depuis l'avènement de la photographie numérique, « tirage » ou « agrandissement ».

En français, « photographie » est attesté dès 1832 dans le Dictionnaire général de la langue française de François Raymond mais comme « description de l'histoire naturelle qui traite de la lumière »4,7. Le premier emploi connu de photographie comme « technique de représentation de la réalité et de reproduction d'images à l'aide de procédés fondés sur des réactions chimiques à la lumière et de moyens optiques » figure dans les Carnets d'Hercule Florence, à la date du 21 janvier 18344,8.

Le terme de photographie résulte d'une série de nombreuses innovations technologiques et techniques dans les domaines de l'optique, de la chimie, de la mécanique, de l'électricité, de l'électronique et de l'informatique. Elle se base sur le mécanisme biologique de l'œil humain.

Point de vue du Gras, le premier résultat d'une expérience de Nicéphore Niépce. Cette photographie représente une partie de la propriété de Niépce. Elle fut prise en 1827.

Les deux phénomènes nécessaires à l'obtention d'images photographiques étaient pour certains connus depuis longtemps et explicités dans le Traité d'optique du mathématicien, philosophe et physicien arabe Alhazen au début du xie siècle. Les réflexions d'Aristote et les travaux du père de l'optique moderne Ibn al-Haytham, ont permis de mettre la réalité en boîte ; il suffit de percer un « petit trou » (sténopé) dans une chambre noire (en latin : camera obscura) pour voir apparaître une image inversée dans le fond blanc de la boîte. D'autre part, les alchimistes savaient que la lumière noircissait le chlorure d'argent. Vers 1780, Jacques Charles, plus connu pour son invention de l'aérostat gonflé à l'hydrogène, parvint à figer, mais de façon fugitive, une silhouette obtenue par le procédé de la chambre noire sur du papier imbibé de chlorure d'argent. Thomas Wedgwood (1771-1805) fit des expériences analogues avec le nitrate d'argent ; il en publia un mémoire en 1802. De son côté, John Herschel en 1819 décrit les propriétés de l'hyposulfite de sodium qui deviendra le fixateur.

Nicéphore Niépce, un inventeur de Chalon-sur-Saône, associe ces trois procédés pour fixer des images (de qualité moyenne et nécessitant plusieurs jours de pose) sur des plaques d'étain recouvertes de bitume de Judée, sorte de goudron naturel qui possède la propriété de durcir à la lumière (1826 ou 1827) ; la première photographie représente une aile de sa propriété à Saint-Loup-de-Varennes en Saône-et-Loire. Nicéphore meurt en 1833 et Louis Daguerre poursuit l'amélioration du procédé. En découvrant le principe du développement de l'image latente, Daguerre trouve le moyen de raccourcir le temps de pose à quelques dizaines de minutes. En 1839, il promeut son invention auprès du savant et député François Arago, qui lui accorde son soutien.

Ainsi, la date conventionnelle de l'invention de la photographie est le 7 janvier 1839, jour de la présentation par Arago à l'Académie des sciences de l'« invention » de Daguerre, le daguerréotype9. C'est en fait une amélioration de l'invention de Niepce.

En 1861, Thomas Sutton réalise la première photographie couleur. En 1869, Louis Ducos du Hauron et Charles Cros présentent un procédé à l'origine de la trichromie.

Il est possible de catégoriser la photographie selon le sujet traité, les conditions de prises de vue, la technique opératoire, la finalité, etc.

Un mode possible de catégorisation est de distinguer d'une part, les photographies réalisées en extérieur, avec un éclairage naturel ou un éclairage public donné, de celles réalisées en intérieur avec un éclairage artificiel modulable, et d'autre part, les photographies ne comportant pas de présence humaine, de celles en comportant une. Ce mode de classification donne quatre catégories de photographies :

  • Les photographies faites en extérieur et ne comportant pas de présence humaine : photographie de paysage, d'architecture, macrophotographie, photo animalière, etc.

Adam et Ève par Daniel Besson

La photographie de paysage inclut le paysage urbain, comme le travail réalisé sur Beyrouth à l'issue de la guerre10 par Gabriele Basilico, René Burri, Robert Frank, Fouad El-Khoury, Raymond Depardon et Josef Kouldelka11.

  • Les photographies faites en intérieur (studio, etc.) et sans présence humaine : nature morte, photographie culinaire, etc.
  • Les photographies faites en extérieur et comportant des êtres humains : photographie de rue, photographie documentaire, photographie de guerre, etc.
  • Les photographies faites en intérieur avec un éclairage artificiel : portrait, mode, etc.
  • Les photographies faites par contact direct avec la surface photosensible, appelées empreintes photographiques. Le sujet est mis au contact direct du support (film ou papier), sous lumière inactinique, sans aucun appareil de prise de vue. La réaction chimique entre le sujet et le support, suivie par l'exposition à la lumière et la chaîne révélateur-fixateur, créent la trace désirée. L'empreinte est aux dimensions du sujet (détail ou ensemble) et varie du format carte postale à des lés de 107x200 cm, voire plus si nécessaire. Les créations connues sont relativement récentes, avec des œuvres de Patrick Bailly-Maître-Grand, Ugo Mulas et Daniel Besson par exemple.

On doit distinguer la lumière naturelle de la lumière artificielle.

Il y a deux sortes de lumière naturelle : celle en intérieur et celle en extérieur.

On peut distinguer six sortes de lumière artificielle qui se distinguent par la nature de la source, continue (incandescence, tungstène ou LED) ou discontinue (flash électronique) et par la dimension de la source (allant d'une dizaine de cm de diamètre pour les petits projecteurs Fresnel comme les Mizar ou les Magis, à plus de 3 mètres de diamètre comme les 330 cm du modeleur FP de Broncolor en passant par toute la gamme de modeleurs de Profoto et d'Elinchrom).

Comme son nom l'indique, la photographie consiste avant tout à utiliser de la lumière pour enregistrer quelque chose. Ceci suppose d'une part qu'il y ait de la lumière à enregistrer, et d'autre part que cette lumière forme des figures et une image intéressante par ses contrastes : contrastes d'intensités entre noir et blanc, contrastes de couleurs, contrastes de textures, qui par leur disposition restituent le sujet photographié. L'art du photographe consiste avant tout à jouer avec cette lumière, ce qui implique parfois d'organiser l'éclairage pour mieux capturer son sujet.

Il ne suffit pas qu'il y ait de la lumière pour pouvoir faire une bonne photographie, encore faut-il qu'elle soit adaptée au sujet que veut capturer le photographe. Une photo en contre-jour conduit par exemple à un fort contraste entre le sujet et le fond, mais les détails du sujet proprement dit seront souvent peu discernables dans les zones sombres : c'est en cela qu'un portrait pris en contre-jour est souvent considéré comme raté (et nécessite l'usage d'un coup de flash pour déboucher le sujet). Mais ce contre-jour peut constituer par lui-même un effet artistique intéressant, pour mettre en évidence une silhouette abstraite. Inversement, le photographe peut choisir de corriger l'exposition pour saturer le fond, et restituer son sujet dans un halo lumineux.

De même, l'éclairage direct du soleil crée des zones d'ombre et de lumière, qui peuvent former un fond violemment contrasté, nuisant à la lisibilité du sujet principal. De ce point de vue, il est beaucoup plus sûr de représenter un sujet dans un éclairage uniforme ou diffus. C'est pour éviter ce problème que les studios d'artistes sont de préférence éclairés par des baies ouvrant vers le nord.

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